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D.E.S.C.R.I.P.T.I.O.N P.H.Y.S.I.Q.U.E

D.E.S.C.R.I.P.T.I.O.N M.E.N.T.A.L.E

H.I.S.T.O.I.R.E

Nul ne sait véritablement jusqu’où remonte la naissance du pendant négatif des Anges. Les principaux concernés l’ignorent, l’homme à leur tête n’a jamais songé un seul instant à se pencher sur la question. Ils ont été, ils sont et ils seront à jamais et pour l’éternité. Jusqu’au jour du Jugement Dernier. Tout comme les Anges et leur Dieu, les Démons seront tout comme Satan. Toujours est-il que l’origine du Bien et du Mal remonterait probablement à cette « date ». Lorsque Dieu créa les Anges, la naissance des Démons fut imminente. Pour un Bien, il fallait son contraire. C’était dans l’ordre des choses, c’était ainsi. Et même le Grand Architecte de l’univers et de la vie humaine n’aurait rien pu faire ni aller à l’encontre de ce que la Nature elle-même avait mis en place. Certaines choses ne pouvaient être défaites. Dieu le comprit parfaitement bien. Satan le comprit bien mieux que lui. Ce qui allait arriver, il le prévoyait depuis longtemps sans vraiment chercher à le concevoir véritablement. Pourquoi ? Pour la simple raison que, parfois, même les Démons caressaient l’envie de voir les choses se dérouler comme ils les ont prévues.

La Guerre Céleste. Ce fut le nom que les Démons donnèrent à cet affrontement qui se déroula dans le Paradis Céleste, entre les Anges qui se rebellaient contre Dieu et ceux qui étaient toujours de Son côté, aveuglé par leur amour qu’ils pouvaient Lui porter. Nul Démon ne s’en mêla. Pas même Satan. Cela ne le concernait pas. En revanche, il trouva cet affrontement plus que distrayant. Vers quel parti alla son affinité ? Nul ne le sait véritablement. Même lui-même n’aurait pu vraiment en être sûr. Toujours est-il que la Guerre Céleste finit par trouver un dénouement. Un dénouement qui ne plut pas à tout le monde.

Les Anges qui s’étaient rebellés contre Dieu furent chassés du Paradis. Où pouvaient-ils se rendre lorsque la Terre et les Cieux leur fermaient leur porte ? Les Enfers furent leur seul salut. Un salut qui ne leur fut pas donné par ceux qui possédaient ces terres de lave et de chaleur infernale. Rapidement, une autre guerre se déclencha. Une guerre entre les Démons et les Anges bannis à jamais du Paradis. Certains la nommèrent la Guerre des Limbes. Les terres arides et peu accueillantes des Enfers devinrent un véritable champ de bataille, un carnage où la mort suintait de toute part. Seuls les cris et les rires des combattants étaient audibles, se mêlant au mugissement du vent brûlant qui balayait l’affrontement. Les coups pleuvaient. Le sang coulait. Rien ni personne n’était épargné et la teinte écarlate imprégna peu à peu les terres hostiles des Enfers.

Combien de temps cette guerre dura-t-elle ? Nul ne le sait véritablement. Toujours est-il qu’elle trouva un dénouement.

Personne, jamais personne, ne sut ce qu’il se passa vraiment ce soir-là. Satan et Lucifer, les deux grands hommes et généraux qui menaient cet affrontement d’une main de maître et se révélaient tout aussi stratège l’un que l’autre, décidèrent de faire une trêve. Une trêve qui marquerait la fin de cette guerre stérile qui ne menait à rien, hormis seulement à satisfaire Dieu en se donnant en spectacle. Deux gêneurs à Ses yeux s’affrontant jusqu’à ce que l’un des deux disparaisse pour l’éternité, voilà ce qu’Il aurait sûrement souhaité. Mais les choses ne se déroulaient jamais comme on le souhaitait vraiment. Si Dieu ne le savait pas et l’ignorait volontairement, Satan et Lucifer le lui apprirent. Probablement à ses dépends. Un Démon et un Ange Déchu qui avaient le même but, même s’ils ne le poursuivaient pas avec les mêmes idéaux, qui partageaient presque les mêmes convictions. À quoi bon devraient-ils continuer à s’ignorer encore longtemps ? Ce soir-là fut différent de tous les autres. Le silence avait remplacé les cris de douleur et les hurlements de mort. Le vent souffla en douce bise. Un vent chaud, certes. Mais un vent chaleureux.

Les Anges Déchus reçurent la permission de pouvoir s’établir en Enfer. Bien sûr, tous les Démons ne furent pas enchantés par cette nouvelle. Certains dénigrèrent les nouveaux arrivants, les insultants dans leur dos. D’autres préférèrent jouer la carte de l’ignorance et continuèrent de vaquer à leur préoccupation comme si la venue des Anges bannis du Paradis n’était jamais survenue dans leurs existences. Seuls quelques-uns d’entre eux, les plus curieux et avides sans doute, se mêlèrent à ces êtres dont ils avaient tellement entendus parler et qu’ils voyaient, pour la première fois, de leur propre yeux. Telles des bêtes curieuses qui s’approchaient d’un animal mort qu’ils n’ont jamais vu pour le renifler avant de mordre, histoire de voir quel goût cela pouvait-il avoir, passant outre le quand dira-t-on.


Les premiers moments de cohabitation furent douloureux. Il n’était pas rare que des Démons s’en prennent à des Anges pour un oui ou pour un non. Chacun avait de bonnes raisons de le faire, parfois beaucoup moins glorieuses que d’autres… et certains le faisaient simplement par ennuie, et parce que brimer un « étranger » à leur terre était un plaisir qui ne se refusait pas. Malheureusement, Satan fut de ceux-là. Et sa « victime » favorite devint rapidement Lucifer.

Au début, ce fut l’ignorance qui prima. L’ignorance puis le mépris. Lorsqu’ils se croisaient, au détour d’un couloir ou bien tout simplement de manière fortuite - même si Satan comme Lucifer ne croyait pas au hasard ou aux coïncidences -, le Démon ne pouvait s’empêcher de glisser une parole venimeuse, cynique, acerbe, cruelle à l’égard du Déchu. Les joutes verbales que les deux êtres pouvaient avoir sous couvert de paroles polies faisaient parfois trembler les plumes noires des Anges bannis et frémir la fine membrane des ailes des Démons. Nul n’aimait particulièrement se retrouver dans la même pièce qu’eux lorsque cela arrivait, certaines prétextaient une excuse des plus ridicules simplement pour fuir l’atmosphère devenue bien trop pesante et oppressante pour eux. Les mots étaient une arme qu’ils maniaient tous deux à la perfection, frappant fort et sans la moindre pitié pour mieux faire plier leur adversaire. Qui avait le dessus ? Aucun des deux. Une fois, une seule fois, Satan s’imposa, frappant particulièrement là où il savait Lucifer des plus sensibles. Pour la première et dernière fois, il eut le dessus. Pour la première fois, il le vit pleurer. Peut-être fusse là l’instant déclencheur qui fit que les deux êtres portant si différents, se rapprochèrent inéluctablement.

Mentalement, d’abord. Satan commença peu à peu à saisir la manière de penser de l’Ange Déchu, à comprendre les motivations qui l’animaient et pourquoi il s’était rebellé contre Dieu au point de se retrouver à jamais banni de l’Éden, condamnant les Anges qui l’avaient suivi pour avoir partagé ses convictions. Il ne se passa plus un jour sans que le Démon ne se glisse dans les appartements que l’Ange Déchu avait reçu de sa part ou, tout au contraire, qu’il invite Lucifer dans ses quartiers. Là, chez l’un ou l’autre, les deux hommes dévissaient sur ce qu’avait été l’Enfer, ce qu’avait été le Paradis bien avant la Guerre Céleste. Parfois, Satan pouvait voir le regard nostalgique de Lucifer. Dans ces moments-là, il lui demandait s’il avait des regrets. Sa réponse ? Bien sûr : celui de n’avoir pas réussi à tuer Dieu de ses propres mains et de ne pas avoir pu changer les choses. Dans ces moments-là, il lui murmurait en souriant qu’il avait sans doute changé bien plus de choses qu’il ne le croyait, là-haut. En retour, Lucifer apprit à connaître son hôte. Ses colères ravageuses qu’il était le seul à réussir à calmer, sa façon d’être et d’agir comme le ferait un généreux avec ses troupes pour les mener à la victoire, son esprit tacticien et stratégique presque infaillible… et la surprenante douceur et sensualité qu’il pouvait avoir, parfois, dans de rares moments.

Et puis, il y eut le rapprochement physique. D’abord, ce ne furent que des regards plus insistants que d’autres. Des silences qui voulaient tout dire mais que, ni l’un ni l’autre ne désiraient briser. Comme si cela suffisait à pouvoir se parler, à pouvoir se comprendre. Il y avait aussi ces gestes de tendresse, presque hésitants et incertains, accidentels. L’un comme l’autre percevait ces différences, ces gestes que pouvaient être l’effleurement d’une mèche de cheveux ou bien d’une plume. Ces gestes qui n’étaient jamais faits en public, mais toujours en privé. Puis vinrent les baisers, les gestes tendres. De légères caresses sur le front, une main glissée dans les cheveux soyeux, un regard qui en disait long… parfois au détour d’un couloir et dans l’ombre, parfois venant simplement sous le coup d’une pulsion, d’une soudaine et irrépressible envie. Ils n’avaient pas besoin de raison pour cela. Bientôt, Satan partagea sa couche avec Lucifer et se furent les contacts physiques à proprement parler qui prirent le dessus sur les deux êtres.

Dans l’ombre, toujours ils agissaient. Satan comme Lucifer ne tenaient à avoir des Démons ou des Déchus sur le dos qui ne se gêneraient guère pour jaser. Ils tinrent leur relation des plus secrètes, demeurèrent toujours neutres et placides en public - c’était à croire qu’ils continuaient de se détester - même si, parfois, l’effleurement d’une main pouvait les trahir. Personne ne devina, personne ne s’en soucia. Seuls quelques êtres des plus perspicaces comme Méphistophélès comprirent sans doute le jeu sensuel et dangereux à la fois qui se jouait entre ces deux-là. Mais qui s’en souciait vraiment ? Satan avait fait découvrir le plaisir intime et enivrant de la chair à Lucifer. Péché capital que l’Ange Déchu semblait aimer, redemander et entretenir. La violence sensuelle et exotique de son compagnon devait sans doute y être pour beaucoup en cela. Une flamme que le Démon se plaisait à entretenir et à ranimer à chacune de leur rencontre, ne serait-ce que par de simples mots scabreux glissés dans le creux de l’oreille ou par une délicate caresse lascive offerte presque par inadvertance.

Se cacher pour mieux se chercher, se découvrir et s’apprécier, c’était sans doute là qu’ils se connaissaient le mieux. Dans l’ombre des teintures de la demeure du Démon, au détour des couloirs sombres ou bien à l’abri des regards indiscrets… chaque occasion pouvait s’avérer être un jeu auquel les deux amants s’adonnaient d’une main de maître, sans jamais éveiller les soupçons de leurs semblables. À moins que leurs semblables étaient bien trop polis pour leur faire part de quoique ce soit. Les Démons n’y virent que du feu, les Déchus sans doute un mystère de plus qui entourait Lucifer et ses motivations.

Vivre de cette manière et ce, jusqu’à la fin des temps, aurait été le souhait des deux amants si différents mais qui se rejoignaient en bien des principes. Vivre ainsi jusqu’à l’Apocalypse. Mais le Destin, ou quoique ce soit d’autre, en décida autrement. Car au fur et à mesure que le Temps s’écoulait sur la Terre des Hommes, Lucifer se mourrait.


Lucifer chercha à dissimuler les signes de son mal à son amant, à les cacher derrière des parures de soie et de satin, sous l’obscurité des teintures de la demeure, dans les jeux d’ombre des lumières. Mais Satan n’était pas de ceux qui se laissent facilement berner par des sourires et d’habiles pirouettes. Il finit par découvrir quel mal rongeait à petit feu le corps de cet être qu’il avait appris à découvrir, à apprécier, à caresser, à embrasser, à posséder… à aimer plus que lui-même. Sur le coup, il ne sut que dire, que faire pour pouvoir aller à l’encontre de cela ou même rassurer son compagnon. Il ne pouvait que le regarder se mourir à petit feu. Et cela, il ne le supportait pas.

La « malédiction » - car cela semblait vraiment être le cas, quoi d’autre autrement ? - que l’Ange qui avait eu l’audace de se lever contre Dieu, le tuait avec une lenteur certaine, une maladie qui l’achevait sans que rien ni personne ne puisse changer quoique ce soit. Ce corps si beau que le Démon adorait plus que sa propre existence se brisait inéluctablement. « Poussière, tu es né poussière et tu redeviendras poussière ». Dieu est si cruel avec ceux qu’il a créés. Pourquoi cela devait-il arriver ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi, alors que lui-même était éternel, ne pouvait-il pas en être de même pour cet être en qui il avait placé sa confiance, ce qu’il avait de plus cher… son amour ? Cette chose si propre à Dieu et les Siens que Lucifer lui avait fait découvrir et lui avait offert ? C’était trop cruel. La « vie » était trop cruelle. Et lui ne pouvait rien y faire, à part se contenter de voir se visage et ce corps lentement se mourir.

Lucifer chercha à le rassurer, voyant bien que son amant souffrait de le voir dans cet état. Leurs étreintes n’en furent que plus fortes encore, à mesure que le Temps s’écoulait et venait prendre son dû sur le corps de ce Déchu. Il lui demanda de ne pas être triste, de continuer d’exister pour lui, pour leur amour, pour ce qu’ils avaient été. Mais à mesure que le Temps passait, que les Hommes et la Terre elle-même changeait, Satan perçut aussi un changement chez son amant. Ce n’était pas sa maladie, il avait appris à la voir évoluer et redoutait à chaque fois son avancement lorsqu’il le voyait. Non, cela n’avait rien à voir avec une telle chose. Le Démon eut un éclaircissement un soir, alors qu’ils étaient tous deux allongés dans le grand lit, au milieu des draps sombres de satin du Maître des Enfers. Pour la première fois, Lucifer confessa à cet antagoniste de Dieu qu’il avait peur. Peur de mourir.

Lui qui avait toujours guidé par sa lumière matinal, lui qui avait mené cette rébellion contre le Tout-Puissant, lui qui avait mené certains de ses semblables à sa perte, lui qui avait affronté les Enfers, lui qui avait vécu tout cela… ne voulait pas disparaître. Lucifer ne désirait pas devenir qu’un simple souvenir dans les consciences des Déchus comme des Démons. Un souvenir qui, avec le Temps, disparaitrait à jamais pour finir par ne plus avoir existé du tout. Dans l’obscurité de la pièce, Satan sentit très bien l’angoisse qui nouait la gorge de son amant, les larmes de terreur qu’il cherchait à retenir dans les sons étranglés de sa voix. Impuissant, le Démon ne savait que faire. Alors, seulement, lorsque les larmes tarirent des yeux de l’Ange Déchu et que le silence revint dans leur chambre, il lui murmura qu’il pouvait, l’aider, le sauver. Pour cela, il suffisait simplement qu’il fasse parti de lui, qu’il abandonne son corps physique pour laisser son âme se mêler au sien. Deux êtres en un seul corps, ce fut là sa proposition. Un « Pacte ». Un pacte dont seuls eux en auraient le secret. Un pacte usant d’ésotérisme et de magie ancienne que les Démons connaissaient. La venue d’une âme dans un corps d’accueil n’était jamais chose aisée.

Lucifer l’écouta, il l’avait parfaitement bien ressenti. Il écouta. Il accepta.

Le début de ce « transfert » se fit dans le plus grand secret. La « cérémonie » visant à ouvrir cette possibilité se fit dans un endroit reculé des limbes, là où personne ne cherchait à aller. Là où personne ne découvrirait leur secret. L’ « échange » s’étira sur de nombreuses années humaines. Au fur et à mesure que le Temps passait, Satan « dévorait » l’âme de Lucifer, l’incorporait à la sienne et à son corps. Le Déchu passa davantage de temps avec le Démon, comme si le lien qu’ils avaient créé entre eux se renforçaient petit à petit à mesure qu’ils restaient ensembles. Ce qui ne tarda pas à se produire réellement. La conscience de Lucifer se mêlait à celle de son hôte pour ne finir par ne faire plus qu’un avec lui. Le corps physique de l’Ange Déchu disparut pratiquement du jour au lendemain. Ce corps sans âme, Satan le conserva dans un cercueil de verre. Un souvenir funèbre, un corps mort qui ne recevrait plus jamais d’âme mais dont il ne pouvait se résoudre à faire définitivement disparaître. Lucifer ne lui en voulut pas. Bien au contraire, il comprit la réelle portée de l’affection que son amant pouvait avoir pour lui et ne lui en fit que plus reconnaissant encore pour ce qu’il avait fait pour lui, pour avoir accepté de le laisser exister. Pour l’éternité.


Les premiers moments de « cohabitation » furent violents et intenses. Deux personnalités dans un même corps avaient forcément ses répercussions, que ce soit physique comme mental. Si Lucifer aurait pu craindre que Satan le rejette, le détruise… il n’en fut rien. Le Démon était un homme de parole, et jamais il n’en vint à chasser ou à endormir cette personnalité toujours présente en lui. Bien au contraire, il la choyait et la chérissait. Parfois, en fermant simplement les yeux, il avait l’impression qu’il était là, avec lui. Son parfum, son odeur, ses murmures, sa voix, le toucher de ses cheveux, ses yeux… tout cela, il pouvait le ressentir. Lucifer lui appartenait. Corps et âme. À lui et à personne d’autre, le Déchu était sien pour l’Éternité. Après tout, qui irait s’en plaindre ? Qui irait pleurer sur sa dépouille vidée de son âme ? Personne n’avait cherché à s’inquiéter de lui ou à lui tendre la main comme les Anges l’auraient fait. Même cet orgueilleux de Méphistophélès était parti se perdre dans les draps de son Bélial. Le plaisir de posséder Lucifer uniquement pour lui seul n’en était que plus grand à cette pensée.

Son seul regret et la seule chose qui lui manquait était les contacts physiques qu’ils avaient eus par le passé. Oh, cela ne se cantonnait pas uniquement aux relations charnelles et à la dépravation des sens. Mais parfois, l’envie d’enlacer ce corps chaud et agréable qu’avait été celui de Lucifer lui manquait. Après tout, même les Démons pouvaient être capables de douceur comme les Anges de cruauté. Satan l’avait bien deviné et appris au contact de cet amant aux plumes noires et si délicates au toucher. Lucifer comprenait ce manque chez son amant et cherchait à le combler du mieux qu’il pouvait, à sa manière : que ce soit en lui faisant revivre des sensations passées des plus exquises qui, au réveil, s’apparentaient à celles d’un rêve des plus érotiques et tendant au réel, ou que ce soit en le poussant presque dans les bras d’un de ces Démons perdus et prisonniers de sa toile pour superposer sa propre vision à celle de son compagnon d’un soir.

Le Temps fut le seul remède à ce moindre mal. Petit à petit, les deux âmes réussirent à trouver un terrain d’entente, à se lier sans toutefois en venir jusqu’à fusionner. En cela, Satan se mit à développer deux personnalités bien distinctes que les humains nommeront sans doute un « Multiple Personnality », connu sous l’appellation plus barbare de schizophrène ou dédoublement de la personnalité : celle du Prince des Enfers à proprement parler, ainsi que celle de l’Ange Déchu qui se trouvait en lui. Parfois, la personnalité de Lucifer prenait le pas sur celle de son amant. Dans ces moments-là, son aura était bien plus douce même si elle dissimulait quelque chose de quelque peu… malsain. Alors la personnalité première était doucement « endormie » même si elle gardait parfaitement conscience de ce qui pouvait bien se produire autour d’elle, de ce qui était dit et murmuré.

Ainsi, seul le Temps put laisser ces deux êtres en parfaite symbiose. Mais cette merveilleuse synchronisation eut, à son tour, des répercussions sur les membres de leur entourage. Méphistophélès devint le bras droit de Satan. Non pas son homme de confiance, il ne la lui accordait pas quand bien même lui avait accordé une partie de la sienne fut un temps. Certains Anges Déchus autre que Méphisto’ prirent place parmi le Conseil, parmi les Démons. Si cela fut mal vu ? Certainement. Mais qu’est-ce que Satan avait à faire des murmures et de l’avis de certains - et même la plupart - de ses comparses ? Il agissait comme bon lui semblait. Après tout, n’était-il pas le Prince des Enfers ? Seule sa Loi était de mise dans ces terres, rien ni personne ne pouvait contester son autorité.

Les voies du Seigneur son impénétrables, dit-on. En cela, l'annonce de l’Apocalypse par Dieu fut parmi de ces surprises que le Temps amènent parfois dans ses filets.


Les Hommes changent. C’était là une certitude que toutes créatures étaient aptes à percevoir et à comprendre. Les hommes changeaient, les mœurs évoluaient à mesure que les technologies s’intensifiaient et que l’on découvrait ce qu’avait été la création du monde. Certains se détournèrent de Dieu pour mieux se plonger dans quelques énigmes scientifiques, d’autres lui restèrent fidèles mais dans une moindre mesure. Le Temps passait, les gens changeaient. C’était ce qu’il y avait de plus rationnel, de plus véridique sur Terre. Tout le monde le savait, les cieux et les enfers aussi quand bien même quelques rares exceptions persistaient à vouloir se raccrocher à d’anciens idéaux maintenant perdus ou cachés depuis trop longtemps.

Les Temps changèrent, le regard de Dieu sur les hommes aussi et le Puissant déclara que l’Apocalypse devait avoir lieu afin de laver tout péché sur Terre. Tout comme le Déluge avait eu lieu pour emporter avec lui la déchéance et la noirceur des hommes, l’Apocalypse venait d’être promise à la race humaine. Les murmures filèrent aussitôt, particulièrement parmi les Anges avant que les informateurs démoniaques ne le découvrent à leur tour et n’en fasse part au Conseil. La décision fut irrévocable : il fallait chercher au plus tôt un endroit « aveugle » à l’œil de Dieu afin d’y condenser les forces pour lutter contre ce « mal » qui allait bientôt se déverser sur Terre et emporter avec lui tous les êtres qui la peuplaient.

Et dire que l’on disait de Satan qu’il était l’être le plus cruel qui soit… à ce petit jeu, Dieu le dépassait en puissance.

Très vite, le choix se porta sur la ville de Mexico. Ville chaude et dont le nuage de pollution la rendait « invisible » à l’œil du Très-Haut. Les Démons furent rapidement envoyés sur Terre, dans cette même ville. Satan y vit là une immense opportunité de pouvoir narguer son héréditaire Ennemi de toujours. À Dieu qui prenait les Enfers pour la « décharge » du Ciel et qui y avait envoyé les Déchus, Il allait enfin regretter ce geste fait tant de millénaires plus tôt. Même les puissants ont des failles. Car rien n’est immuable, il suffit juste d’en trouver la faille et de l’exploiter. Satan le savait. Et cette occasion était une chance inespérée dont il s’empara aussitôt. Après tout, l’opportunité de pouvoir faire ravaler Sa fierté à Dieu ne se présentait pas tous les quatre matins.

Lui-même se rendit sur la Terre. La différence avec les Enfers fut saisissante, mais pas si désagréables que cela. Peu à peu, il y trouva même sa place en rachetant l’imposante bibliothèque de la ville. Lui qui avait toujours aimé la compagnie des livres fut des plus satisfaits à ce sujet, et cela lui offrit un immense portail sur la culture du monde. Quand bien même la situation de « vivre comme un humain » ne lui plaisait guère. Après tout, le Prince des Enfers conservait sa fierté. Mais quelques concessions par-ci par-là ne faisaient aucun mal. En particulier lorsque le retour de bâton était destiné à Lui.

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V.O.U.S