Une… éternité.

C’était à peu près le temps qu’il lui semblait être écoulé depuis la dernière fois qu’un mortel l’avait invoqué de la sorte. Si l’on omettait, bien sûr, ces « messes noires » que le genre humain et certaines espèces de ce genre pouvaient lui faire en son honneur. Ajoutant à cela quelques sacrifices et du sang d’innocent offert sur l’autel en guise de présents, comme l’on offre quelques offrandes à un quelconque dieu païen ou Dieu tout court. Il avait toujours été à l’écoute de ses « sujets » humains qui l’invoquaient, répondant à leurs attentes… à sa manière, et pas expressément comme ils le désiraient. Le plus souvent, la Luxure finissait par avoir le dessus et il les laissait à leur dépravation pour retourner dans les entrailles de la Terre.

Une éternité pouvait être longue lorsqu’on ne savait guère comment la combler.

Le temps ne s’écoulait guère de la même manière aussi bien sur Terre qu’en Enfer. En particulier lorsque le stade « d’éveil » qui lui était octroyé était complètement aléatoire. Satan avait de l’énergie à revendre. Quoi de plus normal pour un colérique comme lui, me direz-vous ? Les moments où il était pris d’un épuisement total était des plus rares, bien qu’ils existaient. Dans ces cas-là, il se retrouvait plongé dans une sorte de léthargie profonde, laissant ainsi place à l’âme qu’il hébergeait volontairement en lui.

L’âme de Lucifer.

Comment pouvait-on les différencier ? Rien de plus simple, quoiqu’il fallait avoir le coup d’œil pour l’apercevoir et le réflexe de le faire et de le noter : les yeux. Si Satan avait les yeux de la même couleur que le sang qu’il avait versé durant la Grande Bataille, Lucifer possédait cette douce couleur de l’émeraude, si changeante selon son humeur et aux reflets délicats. Dans ces moments-là, il errait bien souvent dans le palais infernal de son hôte, revisitait certains couloirs et certains appartements, se souvenait de quelques ébats de Luxure qui avait pu exister ici-bas. S’il en avait été une âme prude, il en aurait rougi. Mais y penser le faisait doucement sourire.

Mais depuis la venue sur Terre du Prince des Enfers, ces petits moments de nostalgie ne pouvaient plus être. Si Satan avait coutume de visiter les prostituées des quartiers chauds et de finir sa vie entre leurs bras délicats et parfumés, Lucifer préférait le savoir et l’érudition. Il passait des nuits entières à lire dans l’imposante bibliothèque mortelle du Colérique, triait de nombreux parchemins pour mieux les classer et les répertorier. En bref, il consacrait son temps à la recherche. Et pas n’importe quelle recherche !

Il n’était pas idiot, encore moins benêt. L’apocalypse les concernait tous. Néanmoins, il arrive parfois que certaines surprises empêchent de mener ce genre de recherches comme on l’avait prévu au départ.

Lucifer était justement en train d’étudier certains sceaux anciens et plus « modernes », les comparaient l’un et l’autre pour déterminer s’il pouvait les exploiter ou non lorsqu’il fut pris d’un léger étourdissement. Non… Satan se réveillait déjà ? Impossible, il avait fait imploser sa colère en manquant de détruire l’appartement et l’état de profonde fatigue s’en était aussitôt suivi. Il ne pouvait pas avoir déjà repris pleine conscience. Non, c’était autre chose. Il n’eut guère le temps de pouvoir déterminer de quoi il en retournait que sa vue se retrouva voilée par un amas opaque de fumée noire. Tiens donc… une invocation ? Cela faisait longtemps.

Lorsque la fumée se dégagea enfin de ses yeux, le Déchu se trouvait dans une cuisine. Une… cuisine… Charmant endroit pour une invocation mais il ne préféra pas le mentionner. À la place, il replia lentement les ailes membraneuses qui avaient brièvement échappé à son contrôle  - comme à chaque fois lors d’une invocation, d’ailleurs -  et ses iris émeraude se tournèrent vers la personne présente dans la pièce. La seule personne présente. Pas un humain. Il le sentait à son odeur particulière et à son calme. Un léger sourire ourla ses lèvres tandis que le nom de son comparse Orgueilleux lui parvenait aux oreilles.

— Nullement. Si je suis ici, c’est parce que l’on m’a invoqué. Inconsciemment, très certainement.

Il suffisait qu’il regarde la tête surprise de son interlocuteur pour savoir qu’il n’avait jamais procédé à un  rituel d’invocation en ce sens. Lucifer plissa légèrement ses yeux, faisant ressortir l’émeraude de son regard.

— Tu n’es pas un humain « normal ». Qui es-tu, invocateur ?

Le Déchu observa longuement son interlocuteur. Un Djinn. Tiens donc… ce n’était pas la première fois qu’il en voyait un. Au cours de sa longue existence ainsi que de son « errance » à travers le corps de Satan, l’opportunité de pouvoir croiser quelques êtres de cet acabit s’était déjà présenté à lui. Plus d’une fois, cela va sans dire.

Il renifla lentement l’air ambiant où il se trouvait. Plus précisément, l’air qui entourait ce Djinn. Pas de doute, cette odeur particulière était bien celle d’un hybride mi-humain mi-démon. Un léger sourire ourla les lèvres de Lucifer. Dans l’odeur qu’il percevait émanant de son interlocuteur, il ressentait aussi cette saveur sucrée qu’était l’encens. Quelque chose d’oriental, de doux, d’exotique et d’agréable. Rien à voir avec les vapeurs de pollution de Mexico.  

Lucifer rouvrit ses yeux qu’il avait fermés pour mieux s’imprégner de l’odeur de son vis-à-vis. Ses iris émeraude suivirent le mouvement qu’il fit pour aller chercher les assiettes. La bonne odeur du ragoût lui chatouilla délicieusement les narines. Le Déchu n’avait guère besoin de se nourrir comme les autres mortels, de s’abaisser à leur niveau… mais le « rituel » en question l’amusait et le séduisait à la fois. Faire semblant de manger pour sauver les apparences était un jeu. Chercher à vivre « normalement » était un jeu.

Il suivit le Djinn dans le patio de sa demeure. Plutôt belle la demeure en question, d’ailleurs. La petite touche d’orient dans un endroit comme Mexico était grandement apprécié par le Déchu. Sentiment qui se trahit par son sourire léger avant qu’il ne prenne place à son tour. Il observa un moment son assiette avant de reporter son attention sur Ashgar.

— Je me nomme Lucifer. Je préside à l’Orgueil.

Au moins, les présentations de « surface » étaient faites. Néanmoins et malheureusement pour lui-même, il allait devoir se montrer un peu plus clair dans ladite présentation de sa personne. Après tout… quiconque avait un tant soit peu entendu parler de Lucifer savait qu’il n’avait guère cette apparence. Hormis le regard.

— Rassures-toi : je ne risque pas de rester très souvent dans le coin. Du moins, en étant « éveillé ». Ce corps que tu as sous les yeux n’est pas le mien : c’est celui de Satan lui-même, le Prince des Enfers. Mon corps ayant… subi quelques dommage durant les quelques siècles derniers, il n’a trouvé de moyen de me conserver qu’en hébergeant mon âme dans son corps. Deux âmes pour un corps, si tu préfères.

Il eut un sourire qui avait une légère pointe de tristesse. Tristesse qu’il noya dans le verre d’alcool au goût agréablement anisé avant qu’il ne reporte son attention sur le ragoût qu’il goûta. Évidemment, il savait que manger de la nourriture humaine ne lui ferait ni chaud ni froid concernant le goût  -cela revenait simplement à goûter une texture quelconque -  mais pour la forme, il déclara :

— Délicieux. Vraiment. Pour en revenant à ton… invocation involontaire, tu as parlé de tes lubies. Qu’est-ce qui ferait que tu m’ais invoqué ? Vu l’odeur d’encens que tu portes et qui n’est que moyennement présente dans ta demeure, j’en déduis que ta part d’Orgueil est aussi grandement présente pour que tu possèdes… quoi donc, d’ailleurs ? Des fidèles ?

Un éclat à la fois doux et nostalgique fut nettement visible dans les yeux émeraude du Déchu dans le corps de son Démon. Sans le vouloir, son interlocuteur de Djinn venait de remuer doucement le couteau dans la plaie. Bien sûr, il avait parfaitement conscience d’être dans le corps de Satan et de ne pas pouvoir en sortir. Son propre corps se mourrait là, dans les tréfonds de la Terre et sous le lit du Prince des Enfers  - une cachette qu’il était le seul et l’unique à connaître, au demeurant. Un corps qu’il ne pouvait regagner sans avoir la crainte d’être réduit à jamais au néant, de disparaître pour toujours. Poussière, tu es né poussière et tu retourneras poussière… Les paroles des prêtres du Seigneur avaient, parfois, quelque chose de terriblement effrayant.

Lucifer se permit d’ingurgiter une longue gorgée d’alcool. Bien évidemment, l’effet lui fit une bien étrange impression. Comme tout Ange et Démon ainsi que Déchu, il n’avait guère la nécessité de s’abreuver et de se nourrir ainsi que de dormir. Le « rituel » autour l’amusait et le séduisait. C’était principalement la raison pour laquelle il prenait parfois plaisir à se mêler aux mortels pour quelques somptueux banquets gargantuesques. Quoique l’idée de se remplir le ventre pour vomir aussitôt après comme certains êtres humains pouvait le faire n’avait strictement rien d’attirant. Mais passons.

Le Déchu inclina légèrement sa tête vers son jeune interlocuteur. Un sourire ourla ses lèvres. Que voilà donc un Orgueilleux hautement méritant ! N’importe qui rêverait d’avoir des millions d’adorateurs pour soi. Cela étant et venant d’Orient, Ashgar avait cette « chance » qui fait que les Djinns étaient respectés et aimés par les populations locales. Contrairement aux occidentaux qui ne croyaient qu’en peu de chose, hormis en eux-mêmes. De véritables égoïstes avides de pouvoir qui écrasent les plus faibles sous leurs bottes, en somme. L’humanité allait elle-même à sa propre perdition.

La question du Djinn eut le don de le plonger dans une profonde réflexion tandis qu’il sirotait doucement cet alcool très agréable au palais.

Ce qu’il désirait… Il désirait tellement de chose. Bien sûr, il en avait déjà certaines comme des hommes et des femmes sous sa bannière. Des êtres qui lui vouaient une certaine dévotion, même parmi les mortels. Il avait réussi à se rebeller contre Son Créateur Tout-Puissant. Il avait déchu, il avait été maudis. Ce qu’il désirait ? Retrouver sa place en tant que tel, retrouver sa gloire d’antan et la dévotion aveugle de ses paires. Mais par-dessus tout, il désirait…

— Un corps d’accueil.

Ses iris émeraude balayèrent un moment la pièce avant de revenir sur Ashgar.

— Comme je te l’ai dis, ce corps-ci n’est pas le mien mais celui de Satan. Mon propre corps se meurt, dépérit… si jamais j’y retournais, je serai voué à disparaître à jamais dans le néant. (Un sourire sans vie ourla ses lèvres)  Le grand Lucifer mourant à cause de la malédiction de Dieu. Quoi de plus ironique ?

Il se riait de lui-même. L’autodérision avait parfois quelque chose de risible aussi bien pour lui que pour les autres.

— Satan… a accepté de m’héberger en lui. pour me sauver, disait-il. Alors qu’il sait pertinemment qu’on ne se touchera plus jamais. Hormis dans les rêves.

La réflexion et les questions du Djinn eurent le don de le faire doucement sourire. Il n’y avait nulle moquerie dans cet acte, simplement un certain amusement. Son interlocuteur était vif d’esprit et possédait une intelligence rare là où d’autres pouvaient accepter n’importe quoi sans la moindre considération pour eux-mêmes, ignorant de quoi serait fait ce marché pour peu qu’une créature démoniaque ou céleste soit leur interlocuteur. De toutes évidences, Lucifer avait l’intime conviction que cet Ashgar s’était frotté à des Démons bien avant l’arrivée de Panaelephegyth en sa demeure. Peut-être guère de la meilleure manière qui soit, d’ailleurs… mais passons, là n’était pas le sujet et le Déchu n’allait guère faire preuve d’indiscrétion alors qu’il venait de prendre le contrôle et de se manifester.

Lucifer passa une main dans ses longs cheveux et ramena quelques unes de ses mèches vers l’arrière de son visage, dégageant davantage ses yeux couleurs émeraude qui tranchaient grandement avec l’apparence-même de Satan dont il empruntait le corps. Il demeura un moment silencieux, plongé dans quelques pensées pour remettre de l’ordre dans les questions du Djinn. Ce ne fut que lorsque tout devint clair et concis dans sa tête qu’il reprit la parole, plongeant l’émeraude de ses yeux dans les iris chauds de son vis-à-vis :

— Pourquoi les immortels ne pourraient-il pas s’octroyer les plaisirs des mortels ? Connaître la Luxure en fait parti, de même que tous les péchés qui sont associés aux Démons. Une relation suivie n’en devient que la continuité.

Il sourit doucement au Djinn. Il était bien placé pour savoir ce genre de chose, lui-même ayant eu plusieurs relations en particulier avec Satan… bien que les prémices n’étaient guères des plus réjouissants et même particulièrement douloureux et humiliants pour le Déchu. Il faut dire que le Prince des Enfers avait mis du temps à tolérer la présence des Déchus parmi les Démons et ne s’était nullement gêné pour rabaisser leur meneur à maintes reprises. En privé, heureusement.

— Je ne désire pas un corps définitif, reprit-il en conservant ses yeux plongés dans les siens. Ce serait bien trop dangereux, aussi bien pour moi que pour le corps en question. Comme tu l’as sans doute deviné lorsque je te dis cela, un humain ne fera jamais le point pour accueillir mon âme. Satan a mis des siècles à s’y accoutumer, un mortel ne serait pas apte à résister. Un hybride, en revanche…

Il laissa sa phrase en suspend mais qui ne faisait aucun doute sur ses pensées. Contrairement aux humains normaux, les hybrides avaient l’expérience et les années en plus. Certes, ils n’étaient pas immortels mais leur durée de vie pouvait leur permettre de résister et de survivre à la venue d’un « parasite » dans leur corps. Car n’en déplaise au principal concerné qui en avait pleinement conscience : Lucifer était devenu une âme parasite à partir du moment où son corps n’était qu’une carcasse vide.

La dernière question le laissa silencieux. Il comprenait tout le sérieux de cette demande qui était amplement justifié. Il ne s’en sentit nullement offensé, bien au contraire : elle était légitime. Lentement, il hocha sa tête à l’affirmative sans quitter des yeux le Djinn.

— J’en prendrai soin. Si je désire un corps d’emprunt, ce n’est pas pour le détruire. Là n’est pas mon but si je peux… le réutiliser par la suite. C’est justement pour cela qu’un corps mortel ne conviendrait guère : il mourrait dès la « première utilisation » et ne serait pas assez fort ni robuste pour se battre et survivre.

La gorgée d’alcool que le Déchu but lentement lui fit un drôle d’effet. Oh, cela n’avait rien de désagréable mais était plutôt… surprenant. Lui qui s’attendait à avoir le même effet que la nourriture et donc, n’en percevoir que la simple texture sans en ressentir un goût très prononcé, fut surpris de déceler quelques délicates saveurs dans ce qu’il buvait. Son regard émeraude se porta un instant sur son verre qu’il observa longuement, cherchant à déterminer toutes les notes de la boisson qu’il venait d’ingurgiter et qu’il trouvait des plus délicieuses. Cependant, il cessa sa contemplation pour revenir sur son interlocuteur.

Il ne put s’empêcher de sourire en le voyant s’approcher, percevant sans mal la méfiance du Djinn. Méfiance à juste titre bien qu’il n’était qu’un peu moins fourbe que ses comparses démoniaques. Un peu moins. À peu de chose près, évidemment. Il le laissa donc l’observer comme il l’entendait, ne bronchant guère ni ne sourciller, se contentant parfois de reprendre une bouchée de ce délicieux ragoût ou bien une gorgée de thé ou de cet alcool si parfumé.

Une fois que le Djinn acheva de le regarder, Lucifer l’observa reprendre place face à lui. Lentement, il ramena les imposantes ailes vers son propre corps jusqu’à ce qu’elles disparaissent dans des chapes de ténèbres qui s’évaporèrent peu à peu, regagnant les ombres de la pièce. Seule demeurait la présence du Déchu dont seul l’éclat émeraude de ses yeux trahissaient non pas son appartenance aux Démons mais à une autre « caste ». Déchu qui glissa une main dans ses longs cheveux couleur de sang, regrettant parfois sa propre chevelure d’un noir de jais, tandis qu’il réfléchissait avec attention à la question. Satan… et son comportement. Vaste sujet. En particulier dans le domaine de l’intimité.

— Tout dépend du partenaire en question mais dans l’ensemble, Satan est… doux et prévoyant. Du moins, avec moi. La Luxure n’est pas son péché mais je crois qu’il s’en approche bien plus que le jeune Asmodée.

Le Porteur de Lumière eut un sourire amusé. De ce point de vue-là, un certains nombres de Démons pouvaient prétendre à la Luxure contrairement à l’archidiable qui y présidait. Quelle tristesse, vraiment. Amusé, les doigts du Déchu se levèrent pour venir glisser lentement vers le Djinn et effleurer les traits de son visage, guère déplaisant au demeurant.

— Ta mémoire peut en être affectée, si tu désires ne conserver aucun souvenir de ce qui se passera entre lui et moi ou… tu peux aussi être là, en « éveil » et participer. Tout dépend de ce que toi, tu as envie, Ashgar. Je ne suis pas ici pour te faire assister à quelque chose que tu ne voudrais pas. Je suis sur Terre, pas en Enfer et encore moins dans mon propre corps : je n’ai pas le plein contrôle de la situation. En d’autres termes, je suis relativement restreint question possibilité d’agir.

Il fit doucement glisser ses doigts le long des lèvres puis de la gorge du Djinn avant de les retirer, conservant l’éclat de ses yeux émeraude plongé dans l’or liquide des iris de son vis-à-vis.

— Que désires-tu savoir d’autre ?

La main du Déchu  retomba doucement le long de son corps sans qu’il ne cesse toutefois de fixer son interlocuteur. Sa tête s’inclina légèrement vers l’avant en signe d’approbation. D’une certaine manière, la réponse d’Ashgar ne l’étonnait pas plus que cela. Il devinait. Il devinait ce qu’il avait pu vivre par le passé sans avoir besoin d’user de la télépathie de ce corps qui n’était pas le sien. La méfiance de l’hybride était déjà un merveilleux indice. Pour le reste ? Il suffisait d’avoir un peu d’imagination et de connaître les us et coutumes de ceux d’En-Bas. Ainsi que certains de leurs mœurs, bien évidemment. Il le savait. Il l’avait lui-même vécu et connaissait les ficelles.

— Je te rassure, cela ne se passera pas En-Bas. Peut-être que si tout se passe bien, ce sera un jour le cas… mais guère pour le moment. Si, comme je le perçois, tu as passé une partie de ta vie en Enfer, tu es aussi bien placé que moi pour savoir que les rumeurs filent infiniment vite. Si les diablotins te voient en compagnie de « ce » corps qui plus est en te rendant dans ses appartements, ils croiront que Satan s’est trouvé un nouveau jouet.

Il n’avait aucune envie d’avoir des problèmes. La plupart des Déchus et des Démons le croyaient retranchés quelque part, ou même disparus. Il préférait grandement entretenir ce « mythe » et cette « légende souterraine » plutôt que de devoir s’expliquer en bonne et due forme parce que des petits malins s’étaient amusés à colporter des rumeurs. Oh, bien sûr, certaines rumeurs pouvaient être manipulées et ainsi, permettre de contrôler ceux qui les laissaient s’échapper. Mais, dans l’ensemble, Lucifer se voulait plus… discret.

Ses doigts caressèrent doucement le verre à présent vide qui était devant lui, songeur. Le transfert. Vaste question. La méthode qu’il avait utilisée avec Satan avait été la plus douloureuse et la plus difficile. Le rituel, le cercle de transition et même la salle des Enfers… il ne pouvait pas se permettre d’user du même procédé avec Ashgar. Il fouilla un instant dans ses souvenirs, pesa le pour et le contre, avant de répondre :

— J’imagine que tu connais l’adage : « Les yeux sont le miroir de l’âme », n’est-ce pas ? Chaque chose possède un fond de vérité et celui-ci en fait parti. Le contact visuel est la clé pour faire transiter l’âme d’un corps à un autre. En l’occurrence… mon âme. Tu ne cours aucun risque à ce sujet, rassures-toi. Il n’y a que moi qui risque de « disparaître » si jamais tu décides soudainement de briser le lien qui ferait transition.

Ce qui signifiait qu’il devait vouer une confiance sans borne au Djinn qu’il connaissait à peine. Du moins, le croyait-il très certainement. Mais si un lien involontaire s’était établi entre eux, alors peut-être qu’il n’en était rien et qu’il le connaissait bien plus qu’il ne semblait le croire. Mais pour le moment, ce genre de considération n’apparaissaient guère dans l’esprit du Déchu. La demande de son interlocuteur, en revanche, le rendit profondément silencieux l’espace de quelques secondes. Il faut dire qu’elle avait de quoi prendre au dépourvu et surprendre.

— Comment pourrais-je oublier cela… Même si je le voulais, je ne pourrai pas : ma vie d’avant est aussi bien gravée dans mon esprit que dans mon propre corps, jeune Djinn. Je me souviens de chaque détail, de chaque odeur, de chaque herbe, de chaque plante… de tout. Je ne peux rien oublier, cela fait sans doute aussi parti de ma malédiction.

Il eut un doux sourire triste à Ashgar alors qu’une étincelle de douleur et de nostalgie passa dans ses iris émeraude. Dieu, les Anges, les Déchus, l’Éden… il se souvenait de tout.

Le Djinn était perspicace, c’était le moins que l’on puisse dire. Même sans savoir qu’il avait été esclave dans le monde souterrain, il n’était pas bien difficile de comprendre qu’il en avait bavé du côté des Démons pour se méfier autant de cette manière. Ce qui, en soit, était des plus compréhensibles. Surtout lorsqu’on savait que niveau fourberie, certains Déchus n’étaient guère mieux dans leur genre voire même pire que les Démons. Lucifer, de son côté, se plaçait entre les deux : s’il pouvait en dire un minimum pour avoir ce qu’il désirait, c’était le mieux. Sauf quand on était confronté à quelqu’un guère né de la dernière pluie comme Ashgar.

— Je ne mens pas. Le contact est l’un des éléments clés pour le transfert d’âme. Néanmoins, pour les premiers instants, une connaissance en… « profondeur » est nécessaire. Si tu vois ce que je veux dire, bien sûr.

Son sourire était doux. L’éclat de ses yeux conservait un léger amusement.

Oh, il ne se jouait pas de son vis-à-vis. Il ne se serait pas permis et cela aurait risqué de tirer une croix définitive sur un potentiel réceptacle comme pouvait l’être le Djinn.

Le Déchu ferma un instant ses yeux et massa doucement ses tempes. Il n’avait plus tellement l’habitude de rester ainsi aussi longtemps en surface, qui plus est d’être invoqué. Que ce soit de manière volontaire ou involontaire, d’ailleurs. Il rouvrit ses prunelles émeraude qu’il posa sur l’hybride qui venait de… l’enlacer. La surprise resta quelques secondes en lui. Voilà bien que c’était la première fois qu’on le prenait dans ses bras de cette manière. Une personne autre que Satan, précisons. Ce n’était guère déplaisant et même agréable.

La réflexion concernant Satan coulait de source. Le Démon étant issu de la Colère, un rien pouvait le mettre hors de lui et ce, même pour un livre déplacé de quelques millimètres pour peu qu’on l’ait enquiquiné derrière.

— Tu me ressembles lorsque j’avais encore mon corps, jeune Djinn. Hormis que tu possèdes simplement une peau plus hâlée que la mienne.

Ses doigts glissèrent dans les longs cheveux dont il attrapa doucement une des mèches sombre qu’il porta lentement à ses lèvres, humant le parfum d’encens qui s’y était imprégné et qui s’en dégageait délicatement.

— Satan apprécie les hommes comme toi ou moi, exotique avec ce léger mystère qui les entoure. Lorsqu’on connaît ses goûts, il n’est pas bien difficile de les satisfaire.

Il remit correctement la mèche derrière l’oreille de son possesseur. Ses doigts se refermèrent ensuite sur l’embout du narguilé dont il tira une bouffée. Un parfum mentholé et étrangement rafraîchissant lui parvint tandis qu’il expirait lentement la fumée en volutes blanchâtres et claires vers le ciel.

— Je sais que c’est délicat de te demander de me faire confiance. Mais je peux te promettre que je suis un homme de parole et d’honneur : Satan ne te fera pas le moindre mal. Peut-être éprouvera-t-il le plaisir de même s’entretenir simplement avec toi, de visu. Après tout, ta compagnie n’est guère déplaisante et tu es un homme d’esprit. Il est possible qu’il désire en savoir un peu plus sur toi et tes origines.

— Un Cercle et des bougies n’auraient pas été suffisant, petit Djinn, murmura-t-il avec une douceur suave et presque enchanteresse.

L’on parlait tout de même d’un rituel à la fois aussi vieux que le Temps lui-même mais tout aussi dangereux. Aucune chose ne devait être prise à la légère, encore moins lorsqu’il s’agissait d’un transfert d’âme. Il y avait un tas de choses à prendre en compte à ce sujet, en particulier concernant un hybride. En l’occurrence, un péché commun qui était l’Orgueil, une ressemblance proche du corps d’origine ainsi que des intérêts qui se ressemblent. Un tant soit peu. Et enfin, une invocation. Volontaire ou involontaire comme c’était présentement le cas.

Ses yeux émeraude se posèrent lentement sur le ciel au-dessus de leurs têtes. Un ciel des plus orageux et sombre, où les éclairs transperçaient les nuages avec force comme désireux de les scinder en deux de la même manière que Moïse avait brisé la mer rouge pour le passage à ses semblables avant que les flots ne se relâchent sur les égyptiens. Seulement, si les éclairs striaient la voûte céleste, aucune pluie ne venait accompagner ce concert de grondements et de déchirements célestes.

Un léger sourire étira les lèvres du Déchu. Décidément, c’était toujours un spectacle de voir le détraquement météorologique du monde des mortels lorsque l’invocation d’un Démon ou d’un Déchu majeur était effectuée. Il sortit soudainement de ses pensées lorsqu’il se fit aussitôt entraîner dans les coussins.

La surprise n’était pas déplaisante. Pas du tout. Elle avait même un petit côté amusant que de voir le petit Djinn glisser sur lui comme un serpent sournois et le tripoter de partout. L’ancien Ange Porteur de Lumière pouvait pleinement ressentir sa curiosité de découvrir un autre corps que celui du Démon avec qui il vivait. Oh, il n’était pas dupe et connaissait les goûts de Panaelephegyth. Avec un peu de perspicacité toute démoniaque, il n’était pas bien difficile de songer à quoi il occupait ses journées autre que de savourer les louanges ou de rester lové sous des coussins. Le Démon aurait même pu prétendre au titre de la Luxure même si l’Orgueil lui siérait bien davantage.

Au même titre qu’Ashgar découvrait l’odeur du Déchu, celui-ci découvrait la sienne. Un parfum tout exotique teinté d’encens et d’épices. Un cocktail assez délicieux et envoûtant, il fallait l’admettre… et probablement quelque chose encore qu’il n’arrivait pas à déterminer mais qui ne le concernait pas. Du moins, pas « lui » au sens propre où on l’entend mais celui qui l’hébergeait. Peut-être que Satan serait plus apte à déterminer de quoi il s’agissait. Quand il serait éveillé, bien sûr. Pour le moment, il dormait tranquillement.

Les doigts de Lucifer glissèrent doucement dans la sombre chevelure alors qu’un léger sourire étirait ses lèvres, amusé en voyant le regard du Djinn. Un éclat brillant passa dans les yeux émeraude où se reflétaient les éclairs alors qu’il fixait son vis-à-vis.

— J’en conclus donc que notre accord est passé, très cher ? Un corps contre toutes les informations que tu désires.

Il se redressa légèrement sur un coude afin d’être mieux installé, conserva son autre main dans les fins cheveux dont il entremêla à nouveau quelques mèches entre ses doigts, appréciant leur texture et ce toucher à la fois soyeux et délicat. Si Ashgar avait fait un tour En-Bas comme cela semblait particulièrement être le cas, Lucifer comprenait très bien pourquoi. Ce genre de beauté orientale était vraisemblablement  - et très exactement -  aux goûts des Démons. Si en plus il s’agissait d’un Djinn qui avait bien plus d’endurance qu’un humain, lesdits Démons en étaient plus que ravis.

Les éclairs semblaient se faire de plus en plus nombreux au dessus de leur tête et pourtant, pas le moindre signe de pluie. Un orage sec, rare, signe le plus manifeste du pacte impie qui s'était noué entre eux deux.
Pacte qui n'aurait pas été amusant avec une simple cérémonie vite fait, ou pas forcément... le djinn était plutôt adepte des cérémonies grandioses, avec encens, sacrifices et tout le bazar. Cela étant, depuis son passage en enfer, il était moins adepte des rites comportant une partie sexuelle. Etrangement. Enfin là, le cas était différent.

Et respirant le parfum de Lucifer, il se creusa un instant sa mémoire, la senteur diffuse taquinait sérieusement son odorat, il sentait que l'information n'était pas loin et pourtant elle lui échappait alors il passa ses nerfs dans la découverte du corps démoniaque. Chaste la découverte, a travers les vêtements. Les attouchements cessèrent quand il sentit les doigts, entendit les propos du déchu :

- On peut dire ça en effet... l'échange me semble honnête.

Les doigts de l'hybride s'emparèrent d'une mèche écarlate, l'enroulant autour de son doigt, la lissant un instant. Cette décision lui coûtait mais il avait de grands projets et bien sur savait qu'il y avait un prix a ça. Son regard d'or se planta alors dans les émeraudes avant que ses doigts ne vienne caresser les lèvres de Lucifer :

- Comme tu le sais, je vis avec un démon... il est chez son autre lié ce soir... mais je ne suis pas sur qu'il apprécierait que tu fasse le rituel sous son nez...

Sous entendu qu'ils allaient devoir faire ça cette nuit pour éviter tout incident diplomatique avec le vieux démon, d'autant que ce dernier n'avait pas l'air d'apprécier les déchus. Il se disait que Lucifer, de part son statut devait être un peu a part mais les dents du traditionaliste grinceraient quand même.

Alors prenant les choses en mains parce qu'il restait un gros Orgueilleux, un vrai de vrai, et il ne comptait as rester les bras ballant dans cette affaire. Bien que conscient de qui aurait le dessus, cela ne l'empêchait pas d'ouvrir la danse.

S'approchant de Lucifer, il déposa ses lèvres sur celle brûlantes du déchu, faufilant sa langue entre ses lèvres; venant trouver sa semblable pour une première approche. Une première découverte de la bestiole sulfureuse, celle que les humains craignaient vénéraient encore aujourd'hui.

Et apparemment le déchu semblait avoir apprit les choses qui font du bien comme les baisers depuis sa chute. Reprenant son souffle, il posa son front sur celui de Lucifer et murmura :

- Il y aura besoin de quoi pour la cérémonie...

Le djinn avait suffisamment de matériel chez lui pour pallier aux demandes les plus courantes dans ce domaine mais il se méfiait un peu avec les orgueilleux et leurs idées. D'un autre coté Lucifer n'avait pas l'air d'avoir les même exigences que Pan dans ce domaine, mais comme toujours, l'hybride préférait rester prudent. Et délestant le déchu de sa présence, il roula sur le coté avec un léger rire, reprenant l'embout de son narguilé pour intoxiquer un peu plus son esprit.

Il était pleinement conscient que le temps lui était compté. Aussi bien parce qu’il n’aurait pas les commandes aussi régulièrement qu’il le désirait, mais aussi parce qu’il n’était pas « seul » : il y avait un autre Démon lié par pacte avec le Djinn. N’importe quel idiot l’aurait deviné.

D’ailleurs, le Djinn venait d’ouvrir le bal. Sans se faire prier, le Déchu ouvrit légèrement ses lèvres pour laisser le passage à sa langue qui alla taquiner sa jumelle hybride. Une de ses mains caressa doucement les longs cheveux d’un noir d’obsidienne. Ses doigts s’enfouirent brièvement dans la cascade d’ébène pour en apprécier le toucher soyeux et divinement oriental. Quelques mèches s’entremêlèrent tandis qu’il laissait Ashgar lui faire découvrir ses talents dans l’art délicat du baiser. Talent dans lequel il était doué, c’était indéniable. Un léger sourire étira les lèvres de l’Etoile du Matin. Il avait perçu l’arôme du narguilé au parfum de menthe.

Allongé parmi les coussins, il reporta son regard vers le ciel tandis que l’hybride venait de glisser sur le côté pour reprendre la dégustation de cette pipe à eau. Lucifer demeura quelques instants songeur tout en réfléchissant au rituel en question.

Ses souvenirs remontaient à une ancienne époque. Celle où son corps devenait peu à peu poussière et menaçait de disparaître à jamais pour mieux revenir au Néant. Il chercha à se rappeler ce qu’avait utilisé Satan à ce moment-là. Il avait le rappel d’un parfum puissant d’encens, des lumières vacillantes des bougies. Il se souvenait aussi des paroles démoniaques qui avaient scellé son âme au corps du Démon. Il se rappelait de l’odeur de l’eau des coupes et celle du sang. Il se souvenait du charbon noir qui avait laissé un tracé sombre sur les roches de la salle de cette grotte où le rituel avait été accompli. Il se souvenait encore de la douleur qu’il avait ressentie…

Lucifer cilla.

Dans un mouvement souple, il se redressa lentement pour s’asseoir de nouveau parmi les coussins. Ses yeux émeraude se posèrent sur le Djinn. Il n’avait guère besoin de tout ce que le Prince des Enfers avait utilisé. Il suffisait de quelques ustensiles pour cela. Guère plus.

— Je suppose qu’il est inutile que je te demande si tu possèdes de l’encens, je ressens l’odeur d’ici et elle est imprégnée sur ton corps et dans tes cheveux. Idem en ce qui concerne quelques bougies.

Il se tut un moment, son sourire disparut tandis qu’il réfléchissait. Ce n’est qu’au bout de quelques instants qu’il reprit finalement la parole, avec un certain sérieux à mesure qu’il fouillait dans sa mémoire. Chose assez difficile.

— As-tu des calices ? Ou des coupes pour y mettre de l’eau. Des vasques seraient l’idéale, elles permettent de délimiter une portée et de mettre une limite pour centraliser le rituel. Ensuite, un couteau sacrificiel pour les offrandes fera aussi l’affaire. Rasures-toi, je ne compte pas de tuer, ajouta-t-il pour mettre ce point au clair. Il s’agit seulement d’une entaille pour lier ton sang à ce corps-ci. Rien de plus.

Il but une gorgée de ce thé délicieux en attendant le verdict des paroles d’Ashgar. Rien n’était scellé. Il avait encore le temps et la volonté de refuser. Après tout, Lucifer ne lui imposait strictement rien et ne lui avait guère forcé la main. Au contraire, même… il lui laissait l’embarras du choix et la possibilité de revenir en arrière. Avant qu’il ne puisse plus le faire.

Au vue de la nature de leur accord, de la tournure que l'affaire prenait, le baiser était encore le meilleur moyen de marquer son accord. De toute façon, le principe des pactes spontanés étaient assez clair; les deux devaient faire un effort afin de résoudre le noeud mystique qui s'était formé entre les deux. Bien sur la tournure des choses n'était pas sa préférée, enfin, elle l'aurait été encore moins avant son rapprochement avec Pan. Le déchu se défendait bien dans ce domaine, pas violent, ni brutal... cela changeait des démons qu'il avait pu croiser en bas.

Et retrouvant le moelleux des coussins, observant son invité infernal attentivement en fumant le narguilé, de vieux souvenir lui revenant en tête. Une vision de Nessus, de ses soit disant plaisirs, des démons lubriques... vision sordide qui ne rendait pas hommage a l'Enfer et a sa grandeur. Alors la fumée s'engouffra dans les poumons du djinn et roulant sur le coté il plongea la main dans le coffret et dira un caillou d'opium qu'il posa sur le brûleur.

Ecoutant les directives, il approuva pour chacune d'entre elles, demandant parfois des précision. De l'oliban pour l'encens, vert émeraude pour les bougies... la couleur de l'émeraude de Lucifer. La symbolique, cet élément qui seul pouvait ouvrir certains seuils et accomplir des miracles. Des miracles diaboliques en l'occurrence. Et lui souriant :

- Pour les coupes pas de soucis... les rituels sont ma spécialité Lucifer et ne t'inquiète pas, j'ai accepté, je ne ferais pas marche a rien "

Rajouta t'il en le sentant hésitant. Ce n'était pas le moment que le déchu se retracte alors que l'hybride s'était décidé. Non, il ne fallait pas pousser et puis il y avait des chances que Satan soit mécontent si il se retrouvait coincé dans le monde onirique.

Puis aspirant une grosse bouffée de fumée narcotique, il finit par se lever pour aller prendre la matériel. Les coupes, de larges vasques d'argent ciselé qu'il alla remplir a la fontaine du patio, puis les bougies, son meilleurs oliban, un encensoir ciselé de cuivre. et regardant le déchu dans les coussins :

- Je suppose que c'est assez rare que tu te retrouve lié ?

Installant les vasques en cercle en prenant pour repère les points cardinaux, puis plaça les bougies au centre sans les allumé, tout comme l'encensoir. Un dernier coup d'oeil a l'ensemble avant qu'il ne vienne rejoindre le déchu, se glissant contre lui. Reprenant le narguilé, il lui sourit :

- Explique moi comment va se passer le rituel, je préfère savoir avant pour ne pas faire d'erreur...

Ce serait dommage de rater leur rituel pour une simple erreur d'organisation... le genre d'erreur qu'il ne pouvait pas se permettre ça a son âge et surtout pour ce genre de rituel. surtout avec ce genre de déchu Et se faisant, la réflexion naquit que depuis son arrivé a Mexico, il avait croisé des immortels de grosse envergure. Pan ou Lucifer n'étaient pas n'importent qui En-Bas. Signe que la fin des temps étaient proche et qu'il allait sûrement devoir très vite sortir d'occultation. Et cette pensée le laissa étrangement vide.

Alors il posa son regard sur le matériel, puis le déchu pour savoir si il été prêt a débuter.

Le Déchu se redressa à son tour dans un mouvement souple et fluide pour un corps aussi imposant que celui dans lequel il se trouvait. Ses yeux émeraudes observèrent les vasques remplis d’eau que le Djinn déposa aux points clés des quatre points cardinaux, formant ainsi la « barrière de protection » qu’il avait prévu afin que son âme ne s’échappe pas hors de cet endroit. L’on n’était jamais trop prudent et il n’avait guère l’envie de se retrouver dans un quelconque endroit simplement parce qu’il avait oublié cette précaution, quand bien même son point d’encrage serait toujours en Satan.

Silencieux, il se leva et alla allumer quatre bougies qu’il disposa soigneusement près des vasques, renforçant la protection. Il entailla son pouce d’un coup de crocs bien sentit et versa quelques gouttes de sang démoniaque dans l’eau de chaque vasque, observant avec attention le carmin se mêler à la transparence de l’eau de la fontaine. Une manière de se protéger contre toute intrusion extérieure, il ne tenait pas à ce que des petits malins usent de leurs dons pour « voir » et « savoir ». Les dernières bougies, il les rapporta au centre du cercle où il s’installa.

— Rare depuis que je suis dans ce corps, en effet. Cela a souvent des avantages mais aussi un certain nombre d’inconvénient. Comme avoir une « durée limitée » en surface, si je puis dire, ajouta-t-il avec un léger sourire amusé, se moquant de lui-même en se tournant en dérision.

Il tapota doucement la place à côté de lui pour faire signe à Ashgar de ne pas hésiter à s’installer.  

Attendant que le Djinn prenne place, il alluma avec précaution et savoir les bâtons d’encens uns à un, murmurant et marmonnant quelques paroles dans la langue gutturale, profonde, grave et chaude des Enfers. Une fois fait et ayant positionné correctement les bâtonnets en place, ses yeux émeraude se reportèrent sur le jeune hybride.

— Oh, rien de plus simple à exécuter. Quand nous aurons commencé le rituel comme il se doit  (devait-il vraiment dire le mot réel ?), un lien va s’établir. Les vasques que tu as positionné autour de nous, le sang de Satan que j’ai mélangé à l’eau ainsi que les bougies que j’ai déposé sont là pour ne pas que ce lien ne se brise ou que des intrusions se fassent. En somme, nous sommes actuellement dans une sorte de champ de protection qui empêche toutes intrusions extérieur spirituelles.

Il alluma les dernières bougies qu’il plaça avec l’encens.

— Tu n’as pas à t’inquiéter de quoique ce soit. Celui qui a le plus de risque ici, c’est moi. Mais la barrière est là pour empêcher mon âme de s’échapper et de se perdre quand bien même mon point d’ancrage est dans Satan. Je préfère ne pas prendre de risques…

Le rituel avec le Démon avait déjà été assez douloureux comme cela, il n’avait aucune envie de perdre la confiance que le Prince des Enfers avait pu lui accorder au bout de milliers d’années humaines voire même plusieurs siècles.

— Il se peut que mon aura se mêle à la tienne. Cela n’est pas douloureux, c’est même assez grisant.

Le Déchu eut un doux sourire avant de reprendre pleinement son sérieux.

— Es-tu prêt ?

Il le regarda faire, mémorisant chaque étape du processus dans sa solide mémoire d'hybride. Chaque détails, chaque informations.... et d'une profonde respiration, il huma le parfum de l'encens, s'étonnant que Lucifer cède a la modernité des bâtons plutôt qu'a la tradition des résines. Dans tout les cas, la senteur choisie était particulièrement sensuelle. Propice au type de rituel qu'ils allaient pratiquer et dans un soupire il vint prendre place a coté du déchu, levant son regard doré vers lui.

- Le comprend pour les risques... nous allons faire attention.

Il resta songeur a l'histoire de l'accouplement d'aura, phénomène dont il avait déjà entendu parler mais qu'il n'avait jamais expérimenté lui même... surtout évitant de côtoyer de trop près les immortels pour ne pas interférer avec ses affaires ou plutôt sa mission. Il se demanda un instant si il garderait des "séquelles" autres que le lien qui allait se nouer. Alors dans un léger soupire :

- Je suis prêt...

Et le déchu ne lui laissa pas le temps de se morfondre, venant délicatement goûter ses lèvres au milieu des volutes d'encens. Le djinn se figea a ce simple contact, car si dans un premier temps le djinn avait prit quelques initiatives, là Lucifer prenait les commandes, rappelant a Ash qui était l'immortel. Si dans un premier temps, les premières seconde, le djinn se fige, il finit par entrouvrir les lèvres pour laisser le déchu poursuivre.

Ne se voyant pas repoussé, Lucifer poursuivit ses attentions, joignant les caresses a ses lèvres glissant dans le cou de l'hybride qui devait reconnaître que l'ex-ange était doux, sans violence pour le moment. Ce fut peut être cette douceur qui permit au Madhi de se détendre, de faire un eu plus confiance en Lucifer, frissonnant doucement sous ses mains chaudes et venant a son tour découvrir le corps musclé de l'infernal. Il pouvait presque sentir l'énergie démoniaque pulser, celle de la luxure.

Et avant d'avoir pu comprendre ce qui lui arrivait, le djinn se retrouva basculé dans les cousis, le moelleux des soieries et sentant les doigts descendre un peu trop bas, un peu trop vite et Lucifer due reprendre son temps et tempérer le feu infernal qui devait brûler en lui.

Alors le djinn le guida, lui donna le rythme par ses caresses, restant pour le moment au dessus des vêtement, découvrant juste les contours, les tracés; jusqu'à ce que Ash décide de glisser une main timide dans l'échancrure de la robe de l'Etoile du Matin, découvrant une peau très chaude, peut être un peu moins que celle de Pan néanmoins. Et sentant l'envie de son « partenaire », il osa une question :

- Depuis combien de temps n'a tu pas eu de contact charnels Lucifer ?

Il lui semblait que le déchu pulser d'un faim longuement retenue.

Le Déchu venait de donner les premières mesures de ce ballet sensuel.

Au milieu des volutes et des parfums d’encens, Lucifer s’était penché pour venir déposer doucement ses lèvres sur celle du Djinn. Un baiser d’abord chaste et précieux. Dès qu’il eut l’autorisation de continuer, il ne se priva guère et transforma l’actuel baiser en quelque chose de plus sensuelle mais conservant toujours cette même douceur avec une pointe de lascivité. Ses mains partirent, à leur tour, à l’exploration du corps chaud et doux de l’hybride. Pour l’instant, il se contenta de simples caresses aériennes, désireux d’apprivoiser ce corps étranger pour mieux le sentir succomber.

Peu à peu et sous ses douces attentions, il sentit le Djinn se détendre.  Un léger sourire se retrouva dissimulé dans le cou de l’hybride lorsqu’il perçut la caresse de ses doigts sur son propre corps. Il ferma lentement ses yeux, se laissant faire si bien qu’un léger ronronnement résonna doucement dans sa gorge, preuve de son confort actuel.

Un bras glissa dans le dos du Djinn qu’il entraîna en douceur à s’allonger sur les coussins. Il fut sans doute un peu trop rapide et impatient dans ses gestes car, dès qu’il glissa un peu trop bas, il sentit une légère raideur de la part de son partenaire, lui disant qu’il avait un peu trop accéléré les choses. Il ferma un instant ses yeux, calma le feu qui avait commencé à naître en lui. Il suivit ensuite le rythme des caresses de l’hybride qui lui servait de guise. Ses doigts glissèrent en effleurements légers et des plus aériens sur le tissu des vêtements, devinant aisément le corps qu’ils pouvaient dissimuler à sa vue.

Un ronronnement suave s’éleva de nouveau de sa gorge quand il sentit la main douce et chaude caresser sa peau dans le col de son vêtement. Ses lèvres glissèrent dans le cou aux parfums épicés qu’il embrassa à maintes reprises. La question eut le don de le tirer de ses pensées et il se redressa  légèrement sur un coude pour l’observer, caressant du bout des doigts les lèvres douces.

— Des siècles. Du moins… en dehors des rituels et des orgies que les mortels peuvent faire en mon honneur.

Il se permit de faire sensuellement glisser sa main le long du cou de l’hybride pour venir caresser son corps à même la peau, descendant vers une épaule qu’il découvrait petit à petit au rythme des effleurements et des baisers qu’il pouvait lui offrir. Le Déchu parvint à retenir sa faim qui ne cessait de monter en lui, l’enfermant encore et l’emprisonnant sans la moindre pitié. Contrairement à ce corps qui l’hébergeait, il ne se faisait jamais violence et préférait davantage voir ses partenaires conciliants.

Lentement, ses lèvres descendirent dans le cou et sur le torse du Djinn, écartant quelques pans du vêtement pour avoir un meilleur accès à sa peau, savourant ce goût de miel.

Une douceur étonnante, très surprenant venant de la part d'une créature dont le nom faisait trembler l'humanité depuis fort longtemps. Le djinn devait bien reconnaître que Lucifer savait y faire pour appâter par ses caresses les petits hybrides récalcitrants et les motiver. Et surtout les réchauffer par ses attouchements délicats qui faisaient frissonner Ash.

Finalement ce pacte serait bien plus agréable a accomplir, bien plus que d'autres pactes dont il avait entendu parler tout au long de sa vie. Et Lucifer, ou du moins le corps de Satan, était assez plaisant pour l'hybride. Et surtout de forme assez humanoïde pour ce qui allait suivre.

Se retrouver allonger a la fois aidait a se détendre, mais lui rappeler aussi que l'inéluctable s'approcher. Certes il avait remit le couvert avec un démon après des siècle d'abstinence de ce coté là, mais il restait toujours un blocage qu'il essayait de cacher pour ne pas froisser le déchu, craignant de le mettre en colère. Alors pour montrer sa bonne volonté, il attira la créature pour lui prendre un baiser plus profond, plus lascif et envelopper des senteurs d'encens, le djinn commençait a se laisser bercer par la luxure qui irradiait du déchu.

Et les baisers glissant sur sa peau, ses doigts découvrant Lucifer.... il ne fut sortit de sa douce rêverie que par la voix profonde de la créature et ronronna dans son cou :

- Cela a due te manquer dans ce cas...

L'étoile du matin avait sûrement beaucoup de temps a rattraper et sans s'effaroucher, le djinn le laissa écarter les vêtement, venant de lui même dénouer certain nœuds complexe qui ornaient ses vêtements avant de s'attaquer a la robe que portait l'ex-ange, découvrant peu a peu ce corps satanique tant détesté des cieux. L'odeur légèrement soufrée lui rappela un instant les enfers, ce qui ne l'empêcha pas d'effeuiller le déchu, glissant ses doigts sur sa peau chaude.

Venant glisser ses doigts dans la chevelure écarlate, appréciant sa douceur avant de glisser sur sa nuque pour la caresser avec douceur, glissant de plus en plus bas et dans un murmure il lui qu'il peut sortir ses ailes si il le souhaite afin qu'il puisse les caresser. Il avait appris de son séjour en bas que les créatures infernales étaient particulièrement sensible au niveau de leurs attributs démoniaques.

Venant mordiller son cou avant de glisser plus bas dans le dos, effleurant la peau qui servait d'écrin aux ailes démoniaque quand ces dernières étaient cachée aux mortels. Sa caresse descendit encore mais prudent, le djinn ne dépassa pas le creux des reins, remontant dans un geste lascif et sous ses doigts, il découvrait une peau devenant de plus en plus chaude et dont l'odeur de souffre prenait des accent plus musqués.

Si Lucifer perçut le trouble qui habitait le Djinn en ce moment-même, il n’en fit aucune mention. À la place, ses doigts se firent caresses aériennes, découvrant chaque parcelle du corps de l’hybride pour en apprécier le toucher de satin et la délicate douceur. Il répondit avec plaisir à son baiser, percevant encore ce léger blocage qui habitait la jeune créature. Il enfermait sans la moindre pitié cette envie de luxure qui grondait en lui et cherchait à s’échapper. Contrairement à Satan qui était plus disposé à laisser ses pulsions prendre le contrôle de sa raison - normal pour un colérique -, il préférait endormir ses envies jusqu’à ce qu’il ait l’autorisation de les laisser peu à peu filtrer.

La remarque d’Ashgar le fit légèrement sourire et rire. Un rire doux qu’il étouffa dans son cou.

D’une certaine manière, il pouvait difficilement dire si cela lui avait manqué ou non. Parfois, le plaisir du Démon qui l’hébergeait était tel que lui-même en tirait une certaine satisfaction. Certes, ce n’était pas son corps et il n’était qu’une âme. Mais justement parce que ce n’était pas son propre corps, il était plus « libre » dans ce domaine.

Enfin passons. Le moment n’était guère à la dissertation d’une âme parasite.

Le Déchu apprécia l’aide que lui offrit Ashgar afin de défaire certains nœuds des plus complexes, s’étonnant d’ailleurs de cette complexité. À son tour, il aida l’hybride à défaire le vêtement qu’il portait, la caresse des doigts étant comme un léger souffle de fraîcheur sur sa peau chaude. La caresse aérienne sur ses omoplates lui prodigua un léger frisson électrique qui alla aussitôt chatouiller sa nuque. Il rouvrit ses yeux en entendant le murmure et fixant un instant les orbes d’ambre du Djinn.

Alors, il laissa une partie de sa nature démoniaque se faire reine.

Les immenses ailes membraneuses prirent forme dans son dos et se déployèrent avec une certaine majesté dans l’endroit où ils se trouvaient. Le noir de la fine membrane paraissait recouvrir le ciel de ses ténèbres. Le Déchu étira lentement les ailes démoniaques vers la voûte céleste avant de les abaisser, formant un cocon de nuit tout autour d’eux, préservant ainsi la chaleur. Ailes démoniaques dont les fines membranes étaient parcourues de légers frémissements, témoins de l’air frais extérieur qui cherchait presque à s’immiscer par la force.

De nouveau, Lucifer se pencha vers le Djinn. Ses lèvres effleurèrent les siennes sans toutefois s’y poser véritablement, se contentant de simples caresses aériennes. Il acheva de libérer entièrement le torse du Djinn du tissu soyeux. Ses doigts dessinèrent avec lenteur de nombreuses arabesques sur la peau hâlée, descendirent sur son torse et son ventre pour remonter ensuite sur ses côtes et son dos.

Il avait son temps. Il avait tout son temps et ne désirait nullement faire preuve de violence, en particulier puisqu’il percevait encore ce blocage chez son partenaire. Blocage qu’il ne mentionna absolument pas, laissant simplement les choses se faire.