Par Ibliss le lapidé, celui qui est maudit...
On nous appelle Oumaline lamkane
1, Siadna
2, Li ma'ndhoum smia
3,mluk
4 ou encore al-aryah
5... mais pour la plupart des gens nous sommes des Djinns. Cesse donc de frotter mon bras, je ne suis pas une lampe magique et je n'exhausse pas les souhaits. Va t'asseoir, non pas là ; ça, c'est un lutrin pour les livres, pas un tabouret. Prend place sur les coussins. Je me doute que tu as beaucoup de questions, jeune Djinn, mais il me sera plus simple de te répondre en te racontant ce que peut être notre vie.
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Création d'une étincelle : 1335 Ville de Qom et la région septentrionaleCe que je vais te raconter m'a demandé beaucoup de temps pour rassembler les parcelles de savoir, tu le comprendras assez vite. Je suppose que le nom de Qom ne te dis rien, petit occidental ; il s'agit de l'une des villes saintes de l'Iran, liée à l'Islam avant que tu me poses la question. Dans cette ville vivait un dénommé Farjad. L'homme était pieux, un religieux pour tout te dire, prédicateur, théologien. Comme tu te doutes, nul n'est parfait et ce genre de personne fait une cible de choix pour les shayatins
6. Cet homme était sincèrement croyant, il se levait toutes les nuits pour diriger la prière, puis au petit jour et encore trois fois. Ses journées étaient consacrées à l'étude, la sienne et celle de ses élèves, quand il ne participait pas aux débats sur la place publique ; ce que l'on appelait en ce temps les majliss. Il n'existe pas vraiment d'équivalent à l'heure actuelle. Il s'agissait de grands débats de société où tout le monde était le bienvenu tant qu'il s'exprimait correctement et maîtrisait son sujet et il se trouve qu'en matière de Fiqh
7, Farjad était un spécialiste. Mais pour son malheur, il était loin d'être le seul. Comme tu dois le savoir, les débat échauffent les sangs, embrument l'esprit et provoque la fitna
8 et notre homme avait la vilaine tendance à s'emporter au-delà du raisonnable lorsqu'on lui tenait tête.
Il n'en fallut pas plus pour attirer sur lui l'attention d'une démone de la colère.
Son nom importe peu, bien moins que sa méthode, dans tous les cas. Prenant les attributs d'une jeune femme du peuple, elle le défia lors d'un débat. L'humain avait sa science, la shayatine ses pouvoirs. Elle le laissa dans un premier temps gagner, faussant sa confiance en lui-même et demanda une revanche. Le savoir-vivre voulait que cela sois accordé, ce que l'on pourrait appeler aujourd'hui du fair-play. Elle lui proposa de corser le défi...
- Cheik, ta science semble sans limite, le Miséricordieux t'as offert un don rare mais quel est l'intérêt pour un savant comme toi de débattre en vain ?
- Aucun débat n'est vain, femme, chacun glorifie le Très-Haut
- Je suppose dans ce cas que tu ne verras point d'objection à miser quelque chose de valeur ; bien sûr, je ne demanderai pas d'argent, je sais que cela est haram
9- Dans ce cas, qu'il en soit ainsi si tel est à la volonté de Dieu et si tu te montres plus savante, femme...
En acceptant, il venait faire choir son âme. Il perdit, la colère s'empara de lui, s'intensifia de plus belle quand la diablesse lui demanda une nuit d'amour comme gage mais la parole donnée est quelque chose de sacré chez les perses. L'histoire raconte que cette nuit fut amère comme l'absinthe et brûlante comme le désert ; obligeant Farjad à commettre plus de péchés en une nuit qu'en une vie mais lui faisant découvrir les délices du Paradis.
Note bien que la démone avait eu ce qu'elle voulait mais pour une raison obscure, elle abandonna la créature devant une misérable maison qui abritait une communauté jugée comme hérétique. Souhaitait-elle faire un ultime pied de nez aux croyants, avait-elle senti la colère présente chez ces humains vivant dans le secret et la rancœur... je pense que je ne le saurais jamais et cela m'importe peu.
Mon enfance fut relativement classique pour quelqu'un de mon époque, vivant dans une communauté menaçant de se faire égorger et cultivant le goût du secret. Finalement, peut-être pas si classique que cela pour quelqu'un comme toi et ne me fais pas l'affront de comparer cette communauté au ramassis de baba-cool où tu traînais. Je n'ai rien contre l'amour libre et ce ramassis de fadaises que vous nommiez union tantrique. Non, cela n'avait rien à voir, les journées étaient consacrées à la prière, à l'étude du Coran, à l'étude du Bâtin
10, à la prière, à la préparation du Petit Jihad
11. Je pense que c'est à cette époque que j'ai développé mon goût pour les sectes et autres petites communautés doté d'un chef considéré comme semi-divin. Comprend bien qu'à cette époque, nous subissions de plein fouet les invasions mongols avec son cortège de destructions, beaucoup de gens y voyaient là un signe de la fin des temps et le retour d'un messie. Ce fut probablement pour cette raison que le Da'i
12 de notre communauté, bien que probablement conscient de ma véritable nature, m'a gardé parmi eux. Il devait y voir un signe, ou quelque chose de cet ordre.
Comme tu te doutes, aucun messie n'est jamais apparu ou plutôt, énormément de prophètes, les troubles se sont quelques peu calmés quand les envahisseurs se sont convertis à la religion locale ; les sectes locales poursuivant leur usage de la taqyya
13 comme de coutume et la da'wa
14 de façon tout a fait active. Les choses auraient pu se poursuivre s’il n'y avait eu les incursions Mamelouks.
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La flammèche dans la lampe : 1350 DamasPasses-moi ton verre, je vais te resservir un peu de thé, et par pitié, apprend à boire correctement. Tu verses le thé du verre dans la coupelle et tu bois dans la coupelle, cela te dispensera se souffler dessus tel un phacochère. Tu as encore beaucoup à apprendre avant de pouvoir rencontrer nos semblables de nos contrées sans être pris pour un barbare.
Damashq. A cette époque les mamelouks avaient pris le pouvoir sur l'Égypte et quelques pays environnants et leur grande spécialité résidait dans la capture des non-musulmans. Eux-mêmes issus d'esclaves en capturaient d'autres afin de former leur administration. Ce fut au cours d'une de ses rafles que j'ai découvert contre ma volonté les joies de la vie de palais dans la sémillante catégorie des serviteurs. Les détails n'ont guère leur importance dans notre discussion, tout ce que tu as besoin de savoir, c'est que c'est à cette période que j'ai pu commencer à monter ma première communauté religieuse. Il ne fut pas bien difficile de rassembler quelques hérétiques pour discuter théologie puis, par le truchement des intrigues de cours, d'atteindre des fonctionnaires de plus en plus influents et les affidés du dirigeant. La vie est une partie d'échec, elle l'est d'autant plus dans ce type d'environnement et l’ennui du sérail fut le terreau fertile de quelques conversion de dames de la noblesse, de concubines très en vues. Celui qui sait se faire sa place doit savoir faire preuve de subtilité et de décernement. Une bonne dose de rouerie est également conseillée, mon jeune disciple, le meilleur moyen de survivre aux intrigues et de tirer les bonnes ficelles.
Dans ces conditions, il ne fut pas très difficile d'être affranchi ; bien que, comme tu t'en doutes, la vie à Damas ne fut pas tous les jours une partie de plaisir... les jeunes garçons étaient très "courtisés", d'autant plus s’ils avaient un air quelque peu exotique. Néanmoins, garder une place au palais m'a permis d'entretenir au vrai de l'état mes chers disciples, insufflant sournoisement des idées réformatrices au sein des plus hautes sphères. Un jour, tu te rendras compte qu'il n'y a rien de plus plaisant que de tirer les ficelles chez les humains ; ils sont bien plus distrayants de ce point de vue que les autres créatures surnaturelles. Au sujet de celles-ci, ce fut également l'occasion pour moi de croiser certaines d'entre elles, principalement des hybrides, pour des raisons évidentes. Il va s'en dire que des cornus à la cours auraient fait quelques peu désordre.
Tu te rendras vite compte, mon jeune élève, qu'une fois l'âge adulte atteint, nous cessons de vieillir. Sors-toi immédiatement de la tête l'idée de rester toute ta vie dans la même ville, voir dans le même pays. Même si, de mon temps, la technologie n'existait pas, j'ai dû changer d'identité et de vie à de nombreuses reprises. Parfois car cela faisait trop longtemps que je résidais dans un lieu, parfois pour des raisons plus stratégiques. Nous somme aussi le vent, nous allons là où les superstitions des hommes nous portent, là où les âmes sont fragiles et malléables. Parfois dans les villes, parfois dans les campagnes, Kerbala reste l'un de mes meilleurs souvenirs concernant cette période. Une ville dédiée aux martyrs, où affluait nombre de croyants souhaitant souffrir pour expier leurs fautes et s'assurer une place au Paradis. Les crises mystiques étaient monnaie courante et une vraie mâne pour tout prophète ou porte-parole divin qui se respecte. Malheureusement, qui dit ville "sainte" dit aussi présence d'anges et d'exécuteurs. Et bientôt, le moyen-orient fut trop petit pour moi, j'avais besoin de voir de nouveaux horizons. Des problèmes avec les religieux officiels du coin ? Oui, quelque peu. Les anges peuvent être très sournois dans leurs méthodes, ou refuser de se salir les mains, il leur est plus simple de passer par des humains sous le prétexte que les hybrides le sont à moitié.
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La flamme étincelante: XVeme siècle Āgrā, Uttar Pradesh et l'autre mondeNarguilé ? Non, il s'agit d'un Ghelyan, ce qui est quelque peu différent et non le tabac n'est pas aromatisé, c'est l'eau de rose du réservoir qui donne cette saveur si particulière, vous autres, occidentaux, n'êtes pas capables de savoir fumer correctement même si le narguilé est à la mode...
L'Inde et le culte d'Agni
15, quoi de mieux pour un Djinn. Un pays où tu peux trouver plus de gourous en une seule que sur le reste de la planète et cela depuis des siècles. Je suppose que tu es plus ou moins informé de la religion locale et du système des castes. En réfléchissant un instant, tu saisiras vite les opportunités que présente ce pays pour des créatures telles que nous et, mise à part si ton pêché est la gourmandise, tu y trouveras ton compte, mais si tel était le cas, nous ne serions pas en train de discuter actuellement.
L'Inde est un pays réellement fascinant, et sans grande difficulté, je pus créer une secte d'adorateurs du feu. Enfin, cela n'est pas tout à fait juste ; les mentalités restent différentes et les cultes se doivent d'être bien plus impressionnants. Marcher sur la braise, garder sur sa langue un morceau de camphre enflammé... les rares sadhus
16 ou fakirs capables de cette prouesse étaient tous des démons ou des djinns comme tu te doutes, et les humains toujours assoiffés de piété sont friands de sacrifices.
De sacrifices sanglants... comme tu le devines ; ce genre de pratiques à la fâcheuse tendance à attirer les démons et si tu as bien retenu ce que je t'ai dis plus tôt, notre longévité m'a obligé à changer plusieurs fois d'identité. Malheureusement, pas assez bien face à une créature millénaire et après presque un siècle passé à créer des communautés, à me nourrir de leur vénération, à être leur Dieu sur terre, il m'arriva une mésaventure.
Peut être un jour seras-tu curieux de connaître tes origines démoniaques, méfies-toi. Le démon qui me suivait m'a amené un jour vers les enfers alors que je dormais. L'étang de feu... le nom donné à l'endroit je me suis réveillé à l'époque. Ne rêve pas, en dépit de ta part démoniaque, le voyage te semblera des plus pénibles mais bien moins que les habitants du coin. Tu te doute bien qu'un demi-humain en perdition est une proie idéale et en particulier, pour les démons de la luxure qui connaissent l’ennui. J'ignore combien de temps cela a duré, j'ignore encore qui était le démon qui m'avait amené dans son antre, je ne garde que de vagues souvenir de cette époque, mais rien de vraiment plaisant. Ne cherche pas qui est ton parent démoniaque, cela ne t'apportera que des problèmes et tu ne trouveras pas les réponses dans ce lieu de perdition car je doute que tu souhaites devenir un esclave destiné aux pulsions lubriques. A ce sujet mon cher disciple, méfies-toi des pactes... nos géniteurs n'ont aucune considération à notre égard et le paiement est bien souvent en notre défaveur.
Après un temps qui n'existe pas et dont pourtant l'existence est restée marquée dans ma chair, j'ai pu m'échapper.... le comment n'est pas important. A mon retour dans le monde des vivants, un siècle s'était écoulé, et il m'a fallu encore une décennie pour retrouver mes repères. Le besoin de revenir en orient se faisait trop fort, nécessaire pour me reconstruire.
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La braise sournoise : XVIII eme siècle BagdadComme tu as pu le comprendre, mes contacts avec les créatures surnaturelles ou les hybrides furent des plus restreints. Certes, je peux les reconnaître, je connais ce qui les caractérise, ce dont ils sont capables mais cela reste restreint. Pourquoi ? Peut-être car un prophète se doit d'être seul et les rares associations que j'ai tenté se sont soldées par des échecs. Pourquoi est-ce que je te parle de tout cela ? Oh, mais simplement car je n'oublie pas ta part humaine, et les besoins de cette dernière. Ils te passeront probablement avec le temps, quand tu verras que t'unir pour du long terme avec un humain est une chose vaine : les humains ne vivent pas très vieux et si tu commets l'erreur de tomber amoureux, cela te portera préjudice. Non, si vraiment tu souhaites t'amuser, tournes-toi vers les prostituées ou nos "frères" hybrides. Avec eux, tu n'aura pas à cacher ta nature et à vivre dans le secret. A ce sujet, je vais te parler de mon exemple, à Bagdad.
A l'époque, la ville était un carrefour des civilisations, tu pouvais aussi bien trouver des occidentaux venus découvrir l'orient que des caravaniers utilisant encore la carte du ciel comme astrolabe Et mon histoire porte sur l'un d'entre eux. Il se faisait appeler Tarik à l'époque, un dragon, pour lui j'étais Shahin, et en ce temps la couverture de ma secte consistait en un hammam. Le lieu était un bon moyen de faire circuler des idées auprès des voyageurs passant par Bagdad. Un soir Tarik s'est présenté, pour se décrasser et se détendre ; l'occasion était trop rare pour ne pas échanger le temps d'une discussion, en apprendre plus sur les nôtres, sur ce qui se passait au-delà des frontières que je connaissais. Sans rentrer dans les détails, je peux t'assurer que ce fut l'une des nuits les plus intéressantes que j'ai pu connaître, même si je pense que le concerné ne doit pas se souvenir de tous les détails. Oh, aurais-je oublié de te dire que mon enfance m'avait permis d'acquérir de solides bases en termes de drogues ? N'y vois pas de malveillance, juste une envie de prendre un peu de bon temps ; il est fort différent d'avoir une relation avec un ou une adepte et avec un semblable.
Je vois à ta tête qu'une relation entre hommes te semble des plus douteuses ; comme je te l’ai déjà dis, mon jeune élève, ton époque n'est pas mon époque et tes coutumes d'occidentaux ne sont pas les miennes. Il existe plus de poèmes de mon époque glorifiant les jeunes éphèbes que les femmes ; je pourrais te citer Abu Nuwas par exemple, et la raison à cela en est fort simple : il n'y a pas de femmes. Enfin si, mais soit tu devais te marier avec, soit aller chez les courtisanes... comme tu t'en doutes, dans un tel contexte social les hommes étaient une alternative des plus courantes pour quelques jeux sensuels. A cela, tu ne dois pas oublier ta nature de Djinn, il te faudra faire preuve du plus grand discernement le jour où tu voudra une descendance et jusque là, contentes-toi des hommes, tu risqueras moins de te retrouver avec un enfant sur les bras.
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La flamme incandescente : XIXeme siècle Calcutta et Delhi Je doute que tu puisses imaginer ce monde, l'odeur des épices se mêlant à celle des bûchés funéraires sur les bords du Gange ; la vie, la passion et la mort se mêlant dans la danse de Shiva, ou sur son corps arrêtant la frénésie de Kali. Kali, la divinité tutélaire des Thugs... L'inde du XIXeme siècle était aussi une vraie poudrière, le colon considéré comme de plus en plus nuisible. Quand un peuple se sent opprimé, il est assez facile de cristalliser sa colère dans une mystique de la violence. Il te faut comprendre que la justification religieuse permet de faire sauter certaines barrières mentales, penses-tu sincèrement que sans cette excuse, quelqu'un oserait prendre une pierre à l'instar de son semblable pour lapider quelqu'un ou utiliserait le garrot sur l'envahisseur ? Peut-être réussiras-tu à libérer ton esprit empêtré par les médias modernes et à toucher du doigt la vision de ce qu'étaient ces cérémonies secrètes. La nuit, la traque du sacrifice, la transe rituelle précédent la chasse dans les senteurs de camphre et de jasmin; l'odeur de la peur, de l'agonie. Enfin, le sang du corps qui se fait décharné. Dans ce contexte, tu te doutes bien qu'un hybride n'eut pas trop de mal à se faire passer pour un porte-parole de la déesse.
Il va sans dire qu'à coté de mon petit groupe d'assassins fanatiques, il m'est arrivé d'organiser des séances de spiritisme oriental pour les dames de la bonne société britannique. La chose était des plus piquantes d'exotisme à l'époque et les humains aiment toujours connaître leur avenir. Les plus fortunées et souvent les plus téméraires allèrent jusqu'à demander des initiations poussées moyennent des sommes relativement rondelettes. Outre les revenus non négligeables que cela a pu me fournir, ce fut également un moyen d'influencer la politique de leurs chers époux et, par ce truchement, de donner davantage de raisons aux Thugs d'être actifs.
Tu l'as sûrement bien compris, au-delà de la vénération que j'ai pu recueillir comme juste paiement de mes effort, c’est aussi un système des plus lucratifs. Penses toujours à cela, jeune apprenti, l'argent reste le nerf de la guerre et l'un des moteurs de la réussite, même pour nous autre hybrides. Grâce à l'argent, tu pourras voyager, changer d'identité, te refaire une vie ; ne néglige jamais cela si tu veux survivre.
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Le feu sacré : XXeme siècle IranTu as une serviette pour essuyer le miel sur tes doigts, mes coussins ne sont pas fait pour cela ; et je te prierais de ne pas nommer "kebabb" mes brochettes... les infâmes sandwiches turques ne devraient même pas exister quand on voit l'aberration.
C'est là un des défauts du 20eme siècle ; on ne sait plus cuisiner correctement, les gens n'ont plus le temps, sont devenus paresseux, surtout les femmes. Tout cela m'évoque la meilleure période que j'ai vécu durant ce siècle. Si tes cours d'histoire ne t'ont pas servi d'excuse pour faire la sieste, tu dois sûrement savoir que l'Iran était une monarchie avant la révolution islamique. A la fin des années 60, le Shah a décidé de mettre en valeur le patrimoine Perse du pays et par la même, a remis au goût du jour l'ancien culte du feu zoroastrien. Associe le retour d'un culte, le feu et mon pays d'origine, il ne m'en fallut pas plus pour être de la partie.
Le temps n'avait permis de me constituer un juteux capital mais aussi d'avoir mes entrées dans certains milieux... cela me prit un peu de temps, oh presque rien à notre échelle. Mais je finis par pouvoir organiser un petit culte mazdéen
17, avec son feu sacré. Le sentiment nationaliste ambiant, mais aussi la tendance venue de l'occident d'ouverture vers des cultes plus exotiques ont largement favorisé la croissance de ma petite affaire. Oui il y avait déjà dans l'air un parfum de révolte, mais est-ce vraiment important lorsque l'on déguste des œufs de cailles au caviar doré lors des fêtes de Persépolis ?
Les bonnes choses n'ont pas duré... la révolution islamique s'est accompagnée de l'intervention d'anges visant à purger le pays. J'ai préféré prendre le large, d'abord dans les pays voisins, puis les différentes guerres m'ont contraint à immigrer en Suisse où j'avais caché l'un de mes petits bas de laine. Et demain, je m'envole pour Mexico avec l'étrange sensation de déjà vue dans la fuite ou l'idée de se mettre à l’abri. Mais cette fois, j'a bien peur que les choses soient beaucoup plus compliquées.
Notes
1 "Les maîtres des lieux"
2 "Nos maîtres"
3 "Ceux qui n'ont pas de noms"
4 "Les rois"
5 "Les vents"
6 les démons
7 branche des sciences islamiques traitant de la jurisprudence
8 Désordre, discorde, querelle
9 Impur, interdit
10 "Ce qui est caché", lecture ésotérique du Coran, proche de la kabbale judaïque.
11 Le Petit Jihad : lutte armée; en opposition avec le Grand Jihad qui est la lutte contre les passions de l'âme.
12 Titre porté par les missionnaires dans diverses branches de l'ismaélisme.
13 La dissimulation. Stratégie propre aux Chiisme et a ses dérivés, permettant de cacher ou de mentir sur sa croyance en cas de persécutions
14 Prédication, mais surtout prosélytisme
15 Dieu du feu dans le panthéon Hindouiste
16 Equivalent hindouiste du fakir
17 Religion dérivée du zoroastrisme, duale et comportant un feu sacré.