Mexico's Ripper Act III [PV Sohan]

Abedon entendit Sohan revenir et cessa son exercice. Il se retourna, reposant son sabre après l'avoir remis dans son fourreau. Il aimait le bruit métallique de la lame qui frottait contre son étui, et cette sensation inexplicable dans ses doigts quand il reposait l'arme blanche avec diligence. Sans considérations de pudeur -et puis, son interlocuteur était aveugle, aussi ne risquait-il pas de le choquer- il laissa tomber ses vêtements humides de sueur et attrapa la serviette blanche dans la petite glacière. Celle-ci était chaude et humide, dégageant une agréable odeur de propre, et le jeune homme nettoya l'eau qui perlait sur ses muscles fermes. Il n'aimait pas sentir la sueur. Il jeta le carré de tissu usager avec ses vêtements et enfila un jean propre et un débardeur noir.

« Je pense avant tout à votre sécurité, Sohan. Enfin, si vous désirez uniquement une présence discrète, je m'occuperai d'assurer votre protection personnellement. Suivre les gens de loin et sans être visible est ma spécialité, après tout, et même à plusieurs centaines de mètres je sais que personne de mal intentionné pourra vous atteindre. Est-ce que cela vous convient mieux? »

Quant au travail, et bien, qu'ils s'y remettent! Plus vite ils auraient fini, mieux ce serait pour Sohan qui visiblement n'avait aucune envie de se faire héberger plus longtemps que nécessaire. Abedon se dirigea vers la terrasse et se pencha de nouveau sur la carte. Avec des punaises et un compas, il planta les endroits des prochains meurtres en fonction de l'orientation du dernier et du lieu où fut déposé le dernier estomac. L'orientation, le croisement... Il marmonnait et expliquait ce qu'il faisait à Sohan, pas à pas. Le prochain meurtre, s'il ne se trompait pas, serait devant le commissariat. Et comme les victimes étaient toutes impliquées dans le trafic de drogue, soit l'un des gros ponts de la police de Mexico était visé, soit il s'agissait un changement dans le mode opératoire et la victime désignée, selon l'esprit du tueur, risquait fort d'être Sohan.

« Je vous assure que je préfèrerais me tromper, mais si vous avez correctement identifié ses motifs, je pense que comme nous y avions précédemment pensé, il va changer de cibles. Maintenant que nous sommes sur l'affaire et que tous les journaux ne parlent plus que de ça. Et du commissariat, telle que j'en connais la disposition, il sera facile de pointer sur la Villa. Pensez-vous que cela se tienne? »

Maintenant, il restait toutefois à mettre la main sur ce détraqué et pour cela, ils n'avaient pas l'ombre d'une piste, d'autant que selon les propres mots du tueur en série, il ne donnerait pas signe de vie avant lundi prochain, ce qui leur laissait une semaine à pédaler dans la semoule. Sans nouveaux meurtres, malheureusement, il risquait fort d'être difficile de retrouver les lieux où se tapissaient les deux monstres, le démon et l'humain. En attendant, le goûter était servi depuis un moment et menaçait de refroidir. Abedon les fit servir sur place et cogita le nez dans un mug de café. Il avait besoin d'une clope, rapidement. S'éloignant de quelques pas et restant sous le vent, il reprit sa dose de cancer en tube avec ravissement.

*
* *

Hélas, la semaine se passa dans un calme plat. Aucune ruse ni hypothèse n'apporta de solution concluante, et comme promis, leur tueur en série ne montra pas signe de vie. Abedon et Sohan cohabitaient en silence, la plupart du temps. Comme promis, le tueur était un hôte discret, voire parfois carrément invisible. Jack, le mentir du snipper avait eu autorisation de se lever et choyait comme un papa-gâteau l'aveugle à qui il essayait de faire passer le mal de la maison (à défaut du pays). Peut-être lui parla-t-il de l'enfance difficile d'Abedon, ou de sa maladie, ou de choses et d'autres, mais le jeune tueur gages n'en sut jamais rien. Lundi arriva et Abedon accompagna Sohan au commissariat de police aux aurores afin de pouvoir se retrancher dans la réserve pour consulter les archives des meurtres non élucidés. Il passa saluer les officiers -tous corrompus, à part un ou deux qui, plus sages, étaient restés neutres- et suivit l'aveugle dans la pièce au sous-sol.

"Sur quelle période devons-nous remonter? trois mois, on a dit, il me semble?"

Se laisse guider et hallucine de voir le nombre de dossier qu'il allait devoir éplucher. Bizarrement, une partie étaient déjà annotés avec les initiales A.G.C... s'ils savaient que c'était lui, pourquoi avoir traité ces affaires comme sans suite? Il embarqua tout cela dans la voiture qui les avait conduits, et récupéra son profiler aveugle.

Alors qu'ils avançaient sur le parking, un violent frisson le traversa et il dégaina immédiatement. Ils étaient là. Il le savait. où exactement, il ne pouvait le dire. Il y avait trop de monde sur le parking public pour qu'ils puissent commettre leur forfait, c'était bien pour cela qu'Abedon avait choisi de se garer ici et son sur le parking privé à l'arrière du bâtiment. Ici, il y avait des caméras, des flics en civil et en uniforme, des passants... Ce serait beaucoup plus difficile de tuer. Il murmura pour Sohan qu'il sentait leur présence, mais ne savait pas où les trouver. Il avait besoin d'un point en hauteur, mais l'aveugle ferait une proie facile loin de lui... Il embarqua le profiler dans le 4x4 plein de cartons, et ordonna à son chauffeur de démarrer, après s'être assuré qu'il s'agissait bien d'Enrico.

D’ici la fin de cette enquête Sohan pourrait facilement écrire un bouquin qu’il intitulerait : « Guide de survie en territoire inconnu. » Dont la première règle d’or serait de rester à distance de tout être vivant. A commencer par son patron. Aussi resta-t-il à une distance respectable du mafieux. Tant pour lui que pour Abedon. Avoir un nez inconnu collé sous le bras après une séance de sport ne devait certainement pas être des plus agréable. Surtout quand ce nez était fin.
Une fois de plus Abedon expliqua qu’il ne cherchait qu’à garder son hôte en vie. Sécurité, sécurité, mais qui en voudrait à sa vie ? Sohan n’avait jamais fais le moindre à mal à personne. Il payait ses impôts, était cordial la plupart du temps, n’avait jamais arnaqué personne, il donnait même une pièce de temps à autre pour une œuvre caritative. Bon d’accord il avait aidé à l’arrestation de certains criminels. Pas de quoi vouloir le tuer non plus. C’était son boulot après tout. Inutile de débattre là-dessus avec le mafieux, il serait encore capable de lui prouver par a plus b que les pigeons qu’il nourrissait le matin étaient en réalité des pigeons espions envoyés par Satan en personne. Sohan se contenta donc de hocher la tête. Oui, une protection discrète et éloignée lui irait parfaitement. A défaut de n’avoir aucun protection du tout. Mais bon, on ne discute pas les fantaisies du patron.

Une fois Abedon rhabillé, le profiler consentit à se rapprocher. Qu’on en finisse avec cette histoire et qu’il rentre chez lui. Il écouta attentivement les explications de son hôte, à défaut de pouvoir voir par lui-même le plan et ses indications. Finalement il répondit, toujours très calme :

-Cela se peut oui. Il sait que nous sommes sur sa piste, il nous parle au travers de ses actes. Peut être qu’il tient à nous défier personnellement. C’est un jeu pour lui. D’autant plus amusant qu’il en est le maître pour le moment. Nous sommes soumis à son bon vouloir, coincés tant qu’il ne donne pas plus d’indices.

Les deux hommes discutèrent encore un moment puis l’heure de la pause goûter sonna. Moment sacré pour le Gourmand qui prit place sur une chaise. Qu’on ne le dérange pas pendant sa dégustation. Au moins il se devait de féliciter le talent du chef cuisinier d’Abedon. Quitte à devoir loger ici, Sohan pouvait se consoler en sachant qu’il mangerait bien. Son hôte quand à lui s’éloigna pour fumer. Sage initiative. L’aveugle ne supportait pas l’odeur du tabac. Peut être que la cohabitation ne se passerait pas si mal que ça finalement.

***

Une semaine, c’est long. Très long. Trop long. Sohan tournait en rond comme un lion dans sa cage. Il ne pouvait faire un pas dehors sans être constamment suivit. Justifier la présence d’Abedon à ses parents fut pour le moins facile : « c’est mon patron, je suis sur une grosse affaire en ce moment. » Soutenir le regard suspicieux de son père fut une autre père de manche. Si Mama souffla à son fils qu’elle trouvait le mafieux absolument « exquis », vantant en plus de cela le « bon goût de son trésor », ce ne fut pas le cas du père. La conversation se fit houleuse lorsque les mots : « homo », « blondinet », et « mauvaises fréquentations » furent lancés. So eut beau se défendre, Abedon fut dès lors catalogué par Andrès père comme étant un dépravé indigne de confiance menant son fils unique sur le chemin de la débauche et de la perversion. Un long titre bien pompeux en disant long sur l’état d’esprit du vieil homme. On ne pouvait lui en vouloir. L’époque n’était pas la même, et de son temps les homosexuels ne jouissaient pas d’une grande réputation. Et surtout pas pour un croyant.

A part cet épisode un brin houleux, la semaine fut d’un calme plat. Sohan n’arrivait pas à s’acclimater malgré les efforts de son hôte, et surtout de Jack. Un homme charmant avec qui l’aveugle passait le plus clair de son temps libre. Il fallait bien l’avouer, il était sympathique. Les deux hommes parlaient beaucoup, de cuisine notamment puisque Sohan n’acceptait de parler que de ça. Et de quelques sujets banals. En revanche il se fermait comme une huitre dès que la conversation devenait plus personnelle. Cela arrivait lorsque Jack parlait d’Abedon. Forcément que l’aveugle comprenait parfaitement ce qu’avait pu ressentir l’Exécuteur. Après tout lui aussi avait souffert de l’exclusion. Alors lorsque le mentor de son hôte glissait sur le terrain du vécu de Sohan, sous entendant qu’il pourrait bien s’entendre avec Avedon, le Dragon changeait de sujet, se braquait, ou abandonnait carrément son interlocuteur sur place. On ne mélange pas travail et vie privée.

Enfin le lundi arriva. Enfin l’heure du retour à la maison sonnait pour l’aveugle. Joie ! Moins bonne nouvelle, cette nouvelle semaine marquait le retour des meurtres. Ils devaient faire vite. Abedon le suivit aux archives, au sous-sol; lieu où ne se rendait jamais Sohan et pour cause. De un il y faisait tellement sombre, même avec la lumière, que l’aveugle avait bien du mal à percevoir les meubles et ne pas s’y cogner. De deux la poussière le faisait tout le temps éternuer. Entre deux éternuements, il confirma que oui, la période les intéressant s’étalait sur les trois derniers mois. Ah saleté de poussière ! Ce fut un miracle si Sohan ne se cogna pas. Quoiqu’il vit l’ossature métallique d’une étagère de très près. Les dossiers intéressant sous le bras de l’Exécuteur, Sohan se fit à nouveau embarquer sans même avoir l’occasion de prendre les dernières nouvelles du commissariat. Hélas, le temps jouait contre eux.

A peine fut-il sortit qu’il sentit Abedon se tendre et sortir son arme. L’aveugle stoppa net. Ses yeux morts balayaient la rue autour de lui. Il ne percevait rien de particulier. Rien à part les bruits habituels. Et la tension de l’Exécuteur ne faisait que le stresser plus encore. Même une fois à l’abri dans la voiture ce malaise ne disparue pas. Le chauffeur démarra le moteur au moment où l’aveugle se redressa, mais sur l’épaule du conducteur pour le stopper.

-Attendez.

Il ouvrit la portière, humant l’air, sur le qui vive.

-Ca sent le soufre.

Sohan savait peux de choses du monde des immortels. Toutefois dans le folklore on assimilait cette odeur à celle des Enfers, et donc des Démons. De plus il n’y avait pas de volcan dans les environs, du moins pas en plein centre ville, pas d’expositions sur le sujet, rien, absolument rien susceptible de dégager une telle odeur. A part peut être leur tueur. Intérieurement le profiler se traita d’idiot. Voilà qu’il chassait un Démon à l’aide de son nez ! On aurait tout vu.

-Par là.

Il désigna le toit d’un immeuble faisant face au commissariat. Et sans même attendre Abedon, il s’élança dans la direction du bâtiment. Aveugle peut être,se bornait à ne pas vouloir accepter, lui conférait quelques avantages. Dont des sens quatre fois plus développés qu'un humain lambda. Pas infaillibles non plus. Si So ne percuta pas grand monde il manqua de trébucher plusieurs fois, et se fit copieusement insulté pour avoir faillis écraser le Bichon Maltais d'une passante. Il pénétra dans l'immeuble, essoufflé, direction le toit. Là encore il n'évita de trébucher que par miracle. Et si son visage ne rencontra pas de mur, il en vit un de très près quand même mais s'était arrêté pile avant de s'y écraser comme une mouche. Le Dragon monta les escaliers quatre par quatre, sans même s’inquiéter de savoir si Abedon le suivait ou pas. Si il fallait attendre le tueur peut être qu’ils arriveraient trop tard pour sauver une victime.
Haletant, à bout de souffle, Sohan ouvrit à la volée la porte de l’escalier menant au toit. Et là il s’arrêta net. Impossible. Plus d’odeur. Envolée tout simplement. Totalement perdu le jeune Dragon cherchait dans tous les sens la trace de cette odeur, sans prêter attention à ce qui se passait autour de lui. On ne disparaissait pas comme ça enfin !

La semaine n'avait effectivement pas été de tout repos pour Abedon qui non content de devoir s'occuper de l'affaire en cours avec le profiler, devait également gérer les affaires courantes qui habituellement l'occupaient déjà suffisamment à son goût. Par mesure de sécurité, il avait accompagné Sohan à l'hopital, subi les remontrances du père jusqu'à ce qu'un regard assassin ne fasse taire le brave homme (non, il n'était pas gay et ne couchait certaienment pas avec son cher bambin de dragon adopté), fait bonne figure devant "mama" qui elle gagatisait sur son physique (chose somme toute suffisamment courante pour qu'il ne s'en offusque pas), et fut bien heureux quand le véritable Week-End commença pour lui, tard le samedi soir, seul dans sa chambre. Il avait aussi noté que Sohan passait pas mal de temps avec Jack, mais laissait faire. Quoique possessif envers son mentor qu'il considérait comme son seul et unqiue ami, il se voyait mal contraindre son invité à partager sa compagie plutôt que celle du vétéran snipper.

Mais, tout compte fait, le lundi sonna pour lui comme une libération, avec la reprise des meurtres et donc de l'action. Tourner en rond avait noirci encore son humeur qui avec le temps se dégradait à une vitesse ahurissante. Le passage au commissariat fut bref et il prit bien soin d'essayer de passer inaperçu. Pas de temps à perdre en formalités de bavardage poli et de graissage de bottes, Abedon était déjà assez stressé par l'intime conviction que leur chasse au serial killer risquait de mal finir.

Un sentiment qui se vit exacerbé quand, remonté en voiture, l'imbécile de profiler qui lui servait de collaborateur eut la bonne idée de sauter en marche -heureusement la voiture était quasiment à l'arrêt- pour filer droit vers un immeuble lambda. "Ca sent le souffre". Quel con. Il y avait plusieurs dizaines de démons en ville, au bas mot. Donc aucun critère valable pour dire que oui, c'était bien celui qu'ils cherchaient. Sans parler du fait qu'il s'exposait ainsi, désarmé, sans la moindre connaissance du combat ou des moeurs démoniaques, sans idée précise quant à la volonté de leur tueur. Abedon vit rouge de suite, et la colère prit rapidement le pas sur l'inquiétude. On n'avait pas idée d'être aussi inconscient. Visiblement, les parents du dragon avaient raté la case prudence dans leur enseignement de la vie au jeune homme. Impardonnable venant de gens modestes dans un pays aussi corrompu que le Mexique. Les gosses de riches et fils de mafieux pouvaient se permettre une telle inocence, et encore... mais pas ceux qui étaient la proie du système véreux et corrompu de ce pays.

Aboyant des ordres sèchement dans un mexicain qui n'avait plus rien de bien littéraire, le tueur à gages embarqua sa malette de tir et fila à la suite de l'aveugle, observant intérieurement, complèrtement sidéré, l'art avec lequel ce-dernier se déplaçait: bien qu'il manquât d'écraser un chien de mamie et de se prendre un mur, sans parler d'un ou deux trébuchements, il allait avec une aisance qu'aucun aveugle humain ne pourrait jamais avoir. Et après c'était lui qui affabulait quand il lui disait qu'il était un rejeton d'ange et de démon. On aurait tout vu.

Le snipper arriva bien après sur le toit, ne pouvant s'empêcher de vérifier les angles de tir ou d'attaque, défomation professionelle. Il observa un moment les alentours avant de se mettre à découvert, sans jamais trop s'éloigner d'une zone de repli. Ce n'était qu'un petit immeuble et ils faisaient là, à glander comme deux méduses échouées sur le toit, des cibles de choix. Trop faciles même mais tout le monde n'avait pas le même goût de la chasse que lui.

- Andrés!!!! Par tous les dieux d'en-haut et d'en-bas, vous avez vraiment envie de finir dans un caniveau ou quoi? Revenez au moins vous mettre à l'abri, il n'y a personne ici. Pour votre gouverne, cette ville pullule de démons et d'anges, et ils sont généralement dotés d'ailes. Ils ne vont pas sagement vous attendre.

Un poil énervé, le snipper rembarqua avec lui le profiler pour au moins se mettre à l'abri des escaliers intérieurs. Respirant profondément, il se força au calme. Hurler sur le jeune dragon ne servirait à rien d'autre qu'à le braquer, il avait encore assez de finesse d'esprit pour saisir cela.

- Je vous crois quand vous dites avoir senti du souffre de manière anormale. Mais s'il vous plait, réfléchissez avant d'agir, j'ai besoin de votre aide et vous me serez plus utile vivant que mort. Allons sur un immeuble assez haut pour voir au loin, vous me servirez d'aide de tir au cas où. Je ne me sens pas à l'aise ici.

Sur ce, il entraina doucement mais fermement Sohan jusqu'au bâtiment le plus haut du quartier. Matériel en main, il fit le tour de la toiture avant de revenir vers le profiler. D'ici, il avait une vue imprenable sur le Centre ville, appercevait le Zocalo non loin, et était en zone de tir directe vers le commissariat.

Complètement déboussolé, le Dragon mit un certain temps avant de revenir au sujet actuel à savoir : son patron visiblement et colère. Et apparemment polythéiste. Soit, pourquoi pas, il n’allait pas remettre en question les croyances d’un mafieux, et encore moins de celui qui l’employait. Mais quand même. Jurer n’était pas beau. Sohan se garda bien de le lui dire.
Tel un enfant prit en faute il baissa la tête et marmonna quelques paroles incompréhensibles. La chose tournait autour de : « cet imbécile de croyant qui me les casse sévère avec ses Dieux à la noix. » Néanmoins il fallait sauver l’honneur. Aussi redressa-t-il la tête et lâcha avec un agacement certain et une mauvaise foi plus qu’évidente :

-Vous auriez préféré que je reste sagement dans votre voiture en prenant le risque de laisser la prochaine victime se faire tuer ? D’accord j’aurais dû vous attendre, j’ai agis à l’instinct, et par chance on a pas de cadavre sur les bras. Ce n’est pas une raison de râler !

Et qu’Abedon ne s’avise même pas de lui faire remarquer que sa cécité l’aurait empêché d’arrêter le tueur, Sohan ne répondrait plus de rien ! Oui il le savait, oui son acte avait été totalement idiot, oui il regrettait son manque de prudence, et oui il envoyait son patron promener sans l’once d’un regret. Pour l’instant. Parce qu’à tous les coups le retour de bâton se ferait sentir. Mais le coup de grâce fut le coup des ailes.
Des ailes ?
Mais bien sûr ! Le profiler leva les yeux au ciel, consterné. Pourquoi n’attirait-il que des fous ? Franchement. Des ailes ? Il aurait tout entendu. Autant ne pas le contrarier, les fous pouvaient se montrer très violent lorsqu’on contestait leurs dires. Et So préférait ne pas s’attirer les foudres d’un snipper. Il eut quand même bien du mal à répondre une ânerie du style : « et moi je suis un ouistiti albinos qui danse la samba sur une échasse. » Quoique, il y avait plus de chance qu’il y croit à cette histoire de ouistiti plutôt que celle des gens avec des ailes. Passons.

En grondant toujours il suivit le mafieux dans un lieu plus sûr. Selon Abedon, le tueur l’aurait pris lui comme prochaine cible. S’en prendre à un aveugle, quelle bassesse ! Et surtout quelle idiotie. Pourquoi lui ? Il n’avait aucun rapport avec la mafia, rien ne le rapprochant des théories qu’ils avaient émises quand aux motivations du tueur. S’étaient-ils trompés ? Ou alors l’autre avait-il changé son mode opératoire ? Ses motivations s’étaient-elles transformées entre temps ? Le plus plausible restait qu’Abedon était à première vue un gros poisson, tuer celui qui vivait actuellement sous sa protection porterait un grand coup à sa crédibilité. Qui respecterait un homme incapable d’assurer la sécurité de ceux vivant sous son toit ? Oui ce devait être ça. Viser Abedon indirectement en attaquant le profiler.
Sohan soupira. Intérieurement il se jura de ne plus jamais traiter avec la mafia. Mais étrangement il doutait sérieusement que les choses s’arrêtent là même une fois cette histoire terminée. Une fois qu’on baignait dans cet univers là on gardait un pied dedans. Définitivement.

Les deux hommes arrivèrent sur le toit d’un immeuble bien plus haut, avec une vue sur tout le quartier. Du moins So le pensa-t-il. Il s’approcha du bord histoire d’évaluer la hauteur. Cela lui donna le vertige aussi recula-t-il immédiatement tandis que le snipper se mettait en place.
Le Dragon resta en retrait. Que pouvait-il faire maintenant ? Ses yeux ne serviraient à rien, alors comment aider ? Cela l’énerva. Il gronda à nouveau. Et puis soudain il releva la tête. Encore cette odeur. Et aussi le sentiment d’être observé bien qu’il n’y ait personne. Pourtant il le sentait. Ses sens jusqu’ici ne l’avaient jamais trompé.

-Ca sent encore, souffla-t-il sans savoir si Abedon l’entendait.

Pour Sohan chaque chose possédait sa propre odeur. Même les gens ne sentaient pas pareil. Si l’odeur d’une chose était globalement la même, il y avait toujours une effluve qui différaient. Du moins pour les choses vivantes. Les objets eux n’entraient pas en ligne de compte. Abedon avait une odeur particulière lui aussi, mais ça le profiler n’en avait pas parlé. Il s’était déjà demandé pourquoi chez certaines personnes il sentait bien plus ce parfum particulier que chez d’autres. Sans jamais, hélas, trouver de réponse à cette interrogation.
Le jeune aveugle s’éloigna un peu, de quelques mètres à peine, lorsque soudaine une poigne puissante se referma sur lui, au niveau de la gorge. Il tressaillit violemment. C’était lui. L’homme qu’ils recherchaient. Etroitement serré contre le tueur, So pouvait confirmer qu’il était grand, quoique étrangement fin. Il s’attendait à une montagne de muscles. Pas tant que ça finalement. Cela n’empêchait pas le tueur de l’étouffer par la seule force de ses bras. Sohan toussa, chercha à se dégager, mais une voix caverneuse lui conseilla de ne pas bouger davantage. Alors il obéit, bien conscient qu’il ne pourrait pas s’en sortir.
Il écouta, impuissant la conversation entre le mafieux et son bourreau. Visiblement lui aussi était un peu tapé. Il parlait des mêmes choses stupides et inexistantes qu’Abedon. Deux fous pour le prix d’un. Hallelujah ! Là où Sohan commença sérieusement à paniquer fut lorsqu’une langue passa sur sa gorge. Tout son corps se glaça. Inutile d’être idiot pour comprendre ce que comptait faire le tueur. Et pas besoin non plus d’être une lumière pour savoir qu’il se ficherait pas mal de la virginité de sa proie et de son dégoût quand au sexe entre homme. L’instinct prit le dessus. Il envoya un violent coup de pied dans le tibia de son agresseur, pensant que cela le ferait lâcher prise. Quelle ne fut pas sa surprise de constater qu’il ne sentit rien ! Pourtant ce coup là marchait toujours, et Sohan savait posséder une force quelque peu hors normes. Il venait de trouver son maître.
Toutefois la diversion fut suffisante pour qu’Abedon puisse réagir. Un coup de feu fit vibrer ses tympans. La prise sur son corps se desserra un moment, assez pour que l’aveugle ne s’échappe et vienne à couvert, derrière Abedon. Le cœur battant encore à toute vitesse sous le coup de la peur et de l’adrénaline. Ses esprits ne furent clairs à nouveau que lorsqu’il dressa l’oreille à la recherche du deuxième. Il s’agissait d’un binôme, le complice ne devait pas être loin. Et Sohan espérait qu’il soit bien moins dangereux que celui face à eux, car il ne serait pas en mesure d’aider Abedon.

Comment ça, pas une raison de râler? Et il lui fallait quoi à lui, pour avoir de droit d'être mécontent, attendre que son partenaire de travail ne se fasse prendre en otage, blesser ou tuer? En plus Abedon aimait râler. Et se mettre en colère. Il faisait d'ailleurs ça à merveille mais ne pouvant foutre son poing dans le joli visage de l'aveugle, il se contenta d'exprimer son mécontentement en accélérant l'allure et en shootant dans quelques pauvres cailloux qui n'avaient rien demandé du tout. C'était bien connu: cela ne servait à rien, mais ça défoulait. Il grogna et pesta entre ses dents pendant un moment mais ne rajouta rien, se recentrant sur l'objectif du jour: tirer son meurtrier comme un lapin. Le matériel en place, il prit ses jumelles et observa les alentours, mais alors qu'il se dirigeait vers l'endroit où se tenait le profiler décidément récalcitrant à toute forme de discipline, même quand sa vie était en danger, il entendit le 'flop-flop' caractéristique des ailes battant l'air et se recula, hélant, trop tard, l'aveugle de se diriger vers lui aussi vite que possible.

Sohan se fit attraper par le démon, une créature très grande mais anormalement fine. Mesurant près de deux mètres vingt, elle était plus mince que Sohan, sa peau recouverte d'une fourrure courte et ses mains dotées de griffes rétractiles. Les yeux verts-dorés et fendus, et la gueule plus que la bouche dotée de crocs pointus, le démon était visiblement apparenté aux grands prédateurs malgré ses ailes écailleuses rappelant plus la libellule à écailles que l'oiseau ou la chauve-souris. D'une couleur globale que l'exécuteur aurait qualifiée de marron-gris, le monstre ne passait pas inaperçu et pourtant, il n'avait pas été référencé par les services des Missionnaires.

Le jeune homme ignora la détresse de son employé. Ce n'était pas le moment de paniquer, s'il se débrouillait bien, il pourrait détourner l'attention du démon de son otage pour que celui-ci ne s'en sorte sans trop de mal. Il tiqua en voyant le monstre lécher le cou de Sohan, mais s'abstint de tout commentaire... cannibalisme ou viol, aucun des deux n'arriverait au profiler tant que l'exécuteur serait en vie. Avec un sourire mauvais, Abedon le salua et le remercia de lui faire l'honneur de se présenter à lui sous sa forme véritable, le dédain dans sa voix plus que palpable et se disputant à l'ironie. L'insulte était à peine masquée. Face à la provocation, l'enfant de la colère répondit de plus belle, et la conversation s'envenima bien vite. Abedon tournait autour de sa proie et de l'otage de celle-ci qui l'empêchait d'avoir un bon angle de visée. Crétin de dragon aveugle.

Respirant profondément pour optimiser ses faibles capacités de concentration, le tireur dégaina et tira aussi vite que possible, pariant sur son habilité ou son instinct, voire les deux, comme on parie sur quelle face d'une pièce tombera lors d'un lancer, pour ne pas tuer le profiler au lieu de blesser le démon. Et encore. Celui-ci griffa profondément le cou du dragon, transperçant sans doute les artères menant au cerveau, hurlant de rage quand la balle en acier des limbes atteignit la base de son cou, éclaboussant son otage de son sang chaud et... marron-noir. Soit. Sohan n'était pas tiré d'affaire mais le chargeur du blond fut vidé sur la créature qui opta pour un combat plus facile, sans encombrement entre les bras, et envoya l'aveugle rencontrer le sol avec une violence hors du commun. Il n'y eut pas de combat épique. Un humain seul, avec une seule arme chargée, sur un toit, dépourvu de tout avantage lié à l'effet de surprise, face à un démon, le sort était vite réglé, et Abedon crut bien son heure arrivée cette fois quand il se retrouva pendu les pieds dans le vide à bout de bras par son ennemi... qui s'écroula en silence alors qu'il venait de lui planter un couteau de ranger dans le bras puis dans l'estomac.

Le jeune mafieux lui se raccrocha in extremis au rebord du toit plat et se hissa en toussant sur la surface dure, observant la plaie que la flèche à la pointe en acier des limbes avait faite dans le cœur de la créature. Ni une ni deux, il sortit son couteau forgé dans la même matière et lui arracha l'organe blessé, mettant définitivement fin à ses jours. Il remercierait qui de droit plus tard, quand il aurait retrouvé à qui appartenait le code-couleur de la tige. Relevant la tête et haletant, il avisa l'aveugle malmené qui avait été jeté contre le mur comme une vulgaire poupée de chiffon.

« Andrés? » appela-t-il doucement en s'agenouillant devant lui, effleurant son visage des doigts sans le toucher vraiment. « C'est fini, le démon a été tué par un collègue à moi. Vous allez bien? »

Bizarrement, il ne s'attendait pas à une réponse sereine, pas alors qu'il empestait le sang et l'adrénaline, pas alors que pour la première fois de sa vie le jeune dragon venait d'être confronté à la force surnaturelle d'un démon, à sa présence, son odeur, sa méchanceté pure car celui-ci était né d'un concept plein de malveillance.

Tiré d’affaire le profiler ? Pas vraiment non. Si la diversion fut suffisante pour permettre à Abedon d’agir, son agresseur en revanche lui lassa un marquant souvenir. Les yeux écarquillés de stupeur et d’horreur il sentit les … griffes ? L’arme, peut importe ce que c’était ! « Ca » déchirait sa peau, tranchait sa chair, faisait couler son sang à flot. Sohan se sentit étouffer sous l’afflux désordonné du liquide. Il emplissait sa bouche, imbibait ses vêtements. Seul ce fait comptait. Il ne se sentit pas voler, à peine la douleur martela-t-elle son corps lorsque celui-ci heurta violemment le sol. Le reste n’avait pas d’importance. Abedon se battait peut être, des coups de feu devait être tirés, qu’est-ce qu’il s’en foutait en ce moment. Il mourait ! La vie le quittait, il le sentait.
La panique l’emporta au début, pour laisser la place au calme. Une étrange sérénité face à la terrible évidence : « je vais mourir. » Sohan n’eut pas le temps de penser à sa famille, à son travail, à ses amis, à vrai dire il ne pensa à rien. Il ne se demanda même pas si il irait au Paradis ou en Enfer. Un athée n’allait nulle part, tout ce qui l’attendait à la fin du voyage se nommait Néant. Étrangement sur le chemin de l’Eternité Sohan découvrit qu’on ne gardait que bien peu de choses. Pas de regrets, pas de remords, pas de tristesse. Juste une toute petite pensée un peu inappropriée mais qui eut le don de dédramatiser la situation . « Je vais enfin connaître le grand mystère » pensa le Dragon tandis que ses forces l’abandonnaient, tout comme son souffle. L’esprit a ceci de formidable qu’il est en mesure de générer les pensées les plus stupides qui soit, même si elles sont en totale contradiction avec les convictions de la personne.

Le temps sembla s’arrêter. Pour Sohan ce fut une éternité, dans la réalité il ne se passa que quelques minutes en réalité. Rendu inconscient par l’importante perte de sang, le jeune Dragon ne sut jamais ce qui se produisit pendant cet instant. Il ressentit pas la chaleur qui venait de naître au plus profond de ses entrailles, tout comme il ne perçut pas la lumière plus vive émanant de son corps inanimé. La plaie sur sa gorge se refermait peu à peu, les tissus se reformèrent, l’hémorragie s’arrêta, et peu à peu le cœur reprit ses battements réguliers. Lorsque Sohan revint à lui ce fut sous l’appel de la voix d’un homme qu’il n’identifia pas immédiatement.
Il geignit comme après une bonne nuit de sommeil qu’on venait interrompre trop brutalement, puis frotta ses yeux agressés par la lumière trop vive du jour. La tête lui tournait, et les odeurs achevèrent de lui donner la nausée. Ca sentait le sang avec une force telle qu’il aurait pu penser qu’un cadavre se trouvait à ses pieds. La vérité s’en approchait. Lentement les souvenirs revinrent. D’abord chaotiques, se présentant sous forme de flash violent et indescriptibles. Puis ils se précisèrent, s’ordonnèrent et défilèrent comme un film absolument navrant à gros budget, bâclé dans le but de satisfaire un spectateur peut regardant. On venait de le tuer ! De lui trancher la gorge ! Il était mort il l’avait sentis ! Alors pourquoi est-ce qu’il respirait ? Pourquoi diantre était-il vivant ? C’était quoi ce cirque ?

- Bien ? Gronda Sohan d’une voix rauque. Est-ce que je vais bien ?

La réponse se présenta sous la forme d’un coup porté au visage du mafieux, puis d’un cri de rage.

- BIEN ? Comment je pourrais aller bien ? Je suis mort !

Face à la panique et l’étrangeté de la situation l’esprit n’a d’autres choix que de céder à l’irrationnel, du moins le temps de se remettre d’un choc fort. Et pour Sohan le fait de passer de vie à trépas, puis à vie à nouveau constituait ce qu’on pouvait appeler un choc fort. Très fort. Si bien que sa nature de colérique ressortait et Abedon en ferait les frais. Après tout, toute cette histoire de A à Z était entièrement de SA faute à LUI ! Crétin de mafieux !

- Vous êtes …. Vous êtes …. Sa colère était telle qu’il n’en trouvait pas ses mots. Vous êtes complètement taré ! Il porta ses doigts à sa gorge, y sentant la cicatrice qu’avait laissé la profonde entaille quelques minutes plus tôt. Cela le fit blêmir plus encore. Je veux rentrer. Ramenez moi chez moi ! Je ne veux plus jamais avoir à faire à vous ! Gardez votre argent sale c’est cadeau. Je veux rentrer chez moi, récupérer toues mes affaires, et je vous interdis de vous approcher de moi à l’avenir. Plus jamais ! Restez dans vos délires complètement absurdes de types emplumés et de bodybuilders en fourrure infernaux mais laissez vivre en paix les honnêtes gens !

Le jeune homme tenta de se relever avec bien du mal. La tête lui tournait terriblement, et ses sens engourdis lui faisaient cruellement défaut en cet instant. Si bien que lorsqu’il tenta de regagner la porte, il se rendit compte juste à temps qu’il marchait en direction du vide. Tout ceci n’était qu’une gigantesque farce. Oui ce ne pouvait être que ça. Ou un rêve dont il ne tarderait pas à se réveiller. Ou pas. Il était mort après tout. Non, non, sa raison lui faisait défaut. La preuve : il avait refusé le payement de ses services. Devait-il dire qu’il plaisantait ?
Sa crise de panique aurait pu continuer comme ça un long moment si Sohan n’avait pas repris le dessus. Il s’efforça à retrouver son calme malgré les tremblements compulsifs de ses jambes et de ses bras attestant de l’ouragan qui le balayait intérieurement. Ce n’était pas possible. Les Anges, les Démons, Dieu, tout ça n’existait pas. Ca n’avait jamais existé autre part que dans les esprits apeurés et obscurs de quelques personnes s’étant tournées vers la Religion afin de calmer leurs angoisses. L’admettre reviendrait à accepter l’impensable. Accepter le fait que lui-même ne soit pas humain. Au fond, il le savait non ?
Sohan secoua la tête afin de chasser ces pensées. Absurdités ! Idioties ! Il allait passer récupérer ses affaires, ensuite il rentrerait chez lui et oublierait toute cette histoire. Cela commencerait par rayer ce Cavalera de sa vie sitôt le pied posé devant le pas de la porte de son appartement. D’un regard haineux il signifia à son employeur qu’il souhaitait s’en aller, et d’ailleurs ne l’attendit pas pour descendre les escaliers et retrouver la voiture. Les regards des passants sur ses vêtements tachés de sang ne l’atteignirent même pas. Il irait justifier ça par les fameux risques du métier. Tout ce qui comptait à présent était de récupérer Véronique. La laisser chez ce malade mental était absolument inenvisageable !

Abedon avait pris de l'eau en essayant de ramener Sohan à la réalité après sa première mort et avec un morceau de tissu propre qu'il gardait au cas où pour nettoyer ses couteaux, il nettoyait la gorge du pauvre profiler qui semblait avoir du mal à revenir à la réalité. Ses gestes étaient doux, et délicats, mais il fut vite rassuré: si un humain serait mort, un dragon aurait au pire une belle migraine et la cicatrice disparaitrait en quelques jours sans doute. Rassuré, il ne fut cependant pas étonné de la réaction violente du profiler quand il se remit sur pieds. Il essaya de l'aider à se stabiliser, avec le sang qu'il avait perdu, mais le relâcha bien vite.

Bien que n'ayant aucune surprise, il fut un peu blessé qu'on lui rejette la faute sur lui, une énième fois. Il n'y pouvait rien s'il était dans le vrai et si l'aveugle avait préféré se bercer d'illusions. Il n'y pouvait presque rien -du moins, il avait fait au mieux- si le démon avait blessé Sohan. Et il n'y pouvait absolument rien si celui-ci n'était pas humain. Fatigué, il ne lutta pas pour le rattraper et bipa l'un de ses hommes pour lui dire de ramener Sohan à la villa, de le laisser plier bagages et de le ramener à son appartement.

Il dit juste, las, avant que l'aveugle ne disparaisse de son champ de vision.

- Faites attention à vous. Je n'y suis pour rien si l'inimaginable existe, Sohan, toutefois je ferai au mieux pour vous en préserver. Rentrez bien.

Et basta. Là, il avait un énorme cadavre à dissimuler, ou plutôt à faire disparaitre, et ne pourrait pas le faire seul. Assis sur le toit, il appela Jack qu'il vienne avec des collègues à lui pour qu'ils arrivent à brûler ce monstre, du moins sa carcasse. Il ne revit pas Sohan, effectivement, en rentrant le soir. Et pour l'argent... chaque travail méritait salaire, si le profiler refusait l'argent de la mafia, il se débrouillerait autrement. Il avait une exposition en juin de clichés, en ferait sans doute une à Miami et une autre à Tokyo pendant l'été. De l'argent tout à fait propre qu'il irait lui porter quand il aurait un bout de temps entre les obligations de sa couverture (inutile) de photographe et son travail de tueur à gages.

Mexico n'entendit plus parler de son éventreur. L'"humain auquel était lié le démon fut découvert par les Exécuteurs, errant dans les rues, devenu fou, appelant femme et fils. De ce qu'ils comprirent du pauvre homme, sa femme morte d'un cancer les avait ruinés en soins et son fils avait décidé de travailler pour la mafia comme mule vers les Etats-Unis, étant étudiant en commerce international à l'UNAM. Il était mort d'overdose pendant un voyage scolaire à San Francisco. Et il travaillait pour le cartel Cavalera. Abedon collecta ces données, et les mit de côté, se promettant de les donner au profiler en temps et en heure, avec son salaire amplement mérité.

» Mexico's Ripper, Act I [PV Sohan]
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Mexico's Ripper Act III [PV Sohan]

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